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sinon plus féconde. Au premier rang de ses travaux collectifs, on doit placer l’expérience aérostatique de Montgolfier, jointe au rapport sur les aérostats publié au nom de l’académie. L’expérience qui se fit à Lyon, le 19 janvier 1784, n’était pas la première ; déjà, quelques mois auparavant, l’intrépide Pilâtre du Rozier avait osé à Paris monter dans un ballon et s’élever dans les airs ; mais nulle ascension n’avait encore eu lieu sur d’aussi vastes proportions et emportant avec elle un si grand nombre de voyageurs. A Lyon comme à Paris, les esprits étaient dans une attente fiévreuse ; jamais peut-être la science n’avait excité plus d’enthousiasme, jamais les imaginations transportées n’avaient conçu une idée plus haute de ses progrès et de ses destinées. Une commission, à la demande de Montgolfier, avait été nommée par l’académie ; lui-même avait d’abord expliqué son invention dans une séance où assistaient Pilâtre du Rozier, son compagnon, et De Saussure, associé de l’académie. Sept voyageurs, parmi lesquels le comte de Laurencin, membre de l’académie, le prince de Ligne, le comte de Dampierre, le comte de la Porte d’Anglefert, Fontaine, montèrent dans la nacelle, mille fois plus hardis que les anciens Argonautes.

Le lendemain, l’intendant Flesselle les présenta à l’académie, qui offrit à chacun d’eux un jeton aux armes de la ville et de la compagnie en souvenir de leur courage et de leur dévoûment à la science. Elle avait déjà nommé Montgolfier associé ; Pilâtre du Rozier avait reçu l’acte d’association au moment même où il entrait dans la nacelle. Le ballon s’éleva dans les airs à midi et tomba sans accident le soir même à peu de distance de Lyon. L’académie proposa immédiatement un prix de 1,200 francs pour celui qui trouverait les meilleurs moyens de diriger les ballons. Cent mémoires répondirent à son appel, mais aucun ne fut jugé digne du prix ; le problème n’est pas encore résolu aujourd’hui. En quittant Lyon, Montgolfier allait entretenir la Société de Montpellier de sa découverte, puis il répétait à Dijon les mêmes expériences avec Guyton de Morveau, qui monta dans le ballon. Le comte de Laurencin dirigea quelques mois plus tard une autre ascension à Lyon en présence du roi de Suède. C’est à peu près au même temps qu’un magistrat, Romas, correspondant de l’Académie des sciences, lisait devant l’académie de Bordeaux ses mémoires sur l’électricité de l’atmosphère et l’associait à ses expériences du cerf-volant électrique, qui plaçaient son nom à côté de celui de Franklin. De même aussi l’académie de Dijon prenait-elle part aux expériences de Guyon de Morveau sur la désinfection de l’air. Ainsi les académies de province donnaient partout, en prenant pour modèles les académies de Paris, l’impulsion au mouvement scientifique, comme au mouvement littéraire et philosophique.