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En un mot, deux grands courans d’idées se sont mêlés pour former la philosophie grecque et tout le système d’idées de l’Occident, y compris le christianisme : d’une part l’idée panthéistique, pour laquelle M. Röth ne dissimule pas ses sympathies, qui part de la contemplation de la nature et du sentiment de la vie dans la nature ; de l’autre l’idée spiritualiste, qui humanise la divinité, suppose en Dieu les attributs humains, lui prête la liberté, la providence, la création. Ces deux courans luttent encore de nos jours : c’est l’Égypte et la Perse qui sont aux prises.

Dans son application aux origines de la philosophie grecque, cette théorie n’a malheureusement pu être développée par son auteur, qui n’a eu le temps que de s’occuper des premiers philosophes et n’a pas été plus loin que Pythagore. Mais il retrouve partout dans Thalès, dans Anaximandre, dans Xénophane et surtout dans Pythagore les traces de la quaternité égyptienne. Quant à la doctrine de Zoroastre, il n’a pas pu en montrer clairement l’influence : il fait seulement allusion à Démocrite et à Platon ; il la retrouve encore dans l’école pythagoricienne, qu’il divise en deux branches, les pythagoriques et les pythagoréens, les premiers disciples de Zoroastre, les seconds de l’Égypte, les premiers partisans du dualisme, les seconds de la Tétrade, les premiers opposant, comme Zoroastre, le bien et le mal, la lumière et les ténèbres, les seconds admettant les quatre termes de la quaternité égyptienne. Ce serait là, si une telle opposition était prouvée, le point le plus neuf et le plus important des recherches de M. Röth.

Pour discuter avec précision ce vaste système, il faudrait entrer dans des considérations techniques qui ne seraient pas ici à leur place. Contentons-nous des considérations suivantes, qui paraîtront sans doute suffisantes à quiconque a connaissance de la matière.

D’une part, l’hypothèse d’une origine indigène de la philosophie grecque n’a en elle-même, quoi qu’en dise M. Röth, rien de miraculeux et d’invraisemblable. Que l’on se représente en effet la suite de la civilisation grecque, la religion, la poésie, les maximes morales des poètes et des sages, le développement du bien-être matériel, les commencemens de la culture scientifique, et aussi peut-être, pour ne pas tout nier, une certaine influence diffuse de la science et de la pensée orientales ; quoi d’étonnant qu’une philosophie sorte de tout cet ensemble d’influences et d’actions ? Et cette philosophie une fois née, commençant d’abord de la manière la plus humble avec Thalès et les premiers Ioniens, quoi d’étonnant qu’elle se soit développée peu à peu, chaque hypothèse en suggérant une autre ou voisine ou contraire, jusqu’à ce que le cercle entier des hypothèses possibles à cette époque ait été parcouru ? Est-il plus extraordinaire, de la part des Grecs, d’avoir créé la