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énorme heurte les saillies des roches, s’étale dans un bassin et, débordant de sa vasque, s’écoule jusqu’à la mer en fuyant avec fracas au milieu d’un amoncellement de pierres ; le spectacle semble tenir de la féerie lorsque, sous le rayon de soleil, la masse liquide s’illumine des couleurs du prisme. Les rochers d’alentour, vêtus de mousse, de fougères, de fleurs ; par intervalles, les bouquets d’arbrisseaux et les arbres disséminés complètent le tableau. Les montagnes aux cimes blanches, la vaste baie semée de petites îles verdoyantes en forment le cadre.

Tandis qu’on répare les agrès du vaisseau, les naturalistes battant la campagne récoltent, malgré l’hiver qui s’annonce, quantité de plantes et d’animaux d’un réel intérêt ; l’astronome s’occupe des observations nécessaires pour déterminer la latitude et la longitude, l’artiste fait le portrait des indigènes les plus remarquables par les caractères physiques et peint les paysages les plus attrayans. Sur le pays parcouru on ne rencontra que peu de familles d’indigènes. Cook fit lâcher des oies sur un point inhabité dans l’espérance qu’elles multiplieraient ; ailleurs furent répandues des graines de nos plantes potagères. On partit pour se rendre dans le canal de la Reine-Charlotte. L’Aventure stationnait déjà depuis des semaines à la place même où l’Endeavour avait mouillé trois années auparavant, c’est-à-dire tout près de l’île qui avait reçu l’inscription attestant le passage du navire britannique ; le 21 mai 1773, la Résolution vint jeter l’ancre à côté de l’Aventure, et ce fut grande joie parmi les états-majors et les équipages des deux bâtimens de se retrouver après une séparation de plusieurs mois. Profitant d’une inaction forcée, le capitaine Furneaux avait fait planter des légumes d’Europe ; on eut le plaisir de les voir pousser et d’en manger ; on appela les naturels à connaître les ressources que procuraient les jardins dont ils allaient devenir propriétaires. Des animaux de l’espèce porcine furent déposés en un lieu désert avec la pensée qu’ils se propageraient à l’état sauvage. Cook jugea le pays moins peuplé qu’à l’époque de sa première visite ; il s’étonna de ne pas revoir les anciens habitans, d’autres les avaient remplacés. Beaucoup d’indigènes néanmoins adressèrent des questions au sujet de Tupia et plusieurs d’entre eux se montrèrent affligés en apprenant sa mort ; le nom du Taïtien qui comprenait l’idiome local s’était répandu dans tout le pays. Le séjour de l’expédition anglaise ne fut pas de longue durée ; mais après une course sous les latitudes moyennes et une relâche à Taïti, Cook reparaissait à la Nouvelle-Zélande dans le dessein de renouveler les provisions d’eau et de bois pour s’acheminer encore vers les hautes latitudes. Le 16 octobre, il touchait la côte orientale de Te-Ika-a-Mawi, désirant