s’obstinant à vouloir faire du Théâtre-Lyrique l’antichambre du grand Opéra. Nous avons dit ce qui s’était passé à propos de la mise en scène des Noces de Figaro, — frais extraordinaires, mise en scène vocale admirable, obtenue à des prix excessifs et sans rapport avec l’équilibre financier du théâtre, — et nous avons vu le fait se représenter à l’occasion de Paul et Virginie avec des circonstances administratives encore plus graves ; car cette fois le directeur avait imaginé d’augmenter les prix aux jours de l’ouvrage à succès et de les réduire pour les lendemains, vraie mesure d’effarement, suprême effort d’un homme qui se noie ; c’était avertir le public et mettre sur l’affiche : « Demain spectacle à bon marché, seconde catégorie, ne venez pas. »
Qu’importe que la salle regorge de monde et que la recette s’élève au maximum, si le chiffre reste au-dessous de la dépense. L’histoire du Théâtre-Lyrique a cela de particulier qu’elle ne cesse de nous montrer une administration s’effondrant au plein de ses triomphes et quand il n’est bruit partout, dans les journaux et le public, que des succès remportés et des recettes encaissées. Il succombe dans sa gloire sans que la foule se l’explique et en quelque sorte sans en avoir le droit, un peu comme ce malade dont Broussais disait : « Cet homme-là est mort guéri ! » Que la masse du public ignore ces dessous, rien de plus simple ; mais ce que nous ne comprenons point, c’est qu’un ministre, qui somme toute a charge d’âmes, soit si mal renseigné et qu’on puisse de la sorte laisser se préparer des désastres qu’un simple contrôleur des finances, intervenant au moment psychologique, arrêterait net dans leur cours. Nous vivons dans un temps où plus que jamais l’autorité supérieure doit être informée, et si les bureaux du ministère des Beaux-Arts sont trop près des coulisses pour savoir toujours au juste de quoi il retourne, le ministre souvent en est trop loin. Il y a là une question d’optique digne d’intéresser les esprits curieux et qui nécessairement tôt ou tard sera réglée.
J’ai dit la surveillance qui s’imposait à l’état, un moyen s’offrirait de rendre ce contrôle moins ingrat : ce serait d’assurer d’avance à l’entreprise des conditions viables et d’exiger du premier directeur qu’on nommera un programme beaucoup plus modeste. Assez de pièces à spectacle, de ces machines à fracas dévorant tous profits, assez de tout cet encombrant et dispendieux appareil dont le moindre inconvénient est en outre de fausser le naturel des jeunes talens et de les pousser de prime abord vers la rhétorique et la paraphrase instrumentale. Chacun dès le berceau veut faire grand ; le difficile, depuis Wagner et ses doctrines, est très bien porté, on s’en pique, et tel qui serait incapable d’orchestrer à lui seul une ouverture d’opéra-comique va prêcher la nécessité d’élargir la forme, comme s’il n’y avait pas vingt fois plus de science musicale proprement dite dans cette petite ouverture des Diamans de la couronne que dans