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assassins portèrent la terreur dans les villages environnans. Ils pillèrent dans la commune de Bouillargues la maison d’un magistrat, qui fut lui-même arrêté et ramené à Nîmes en voiture, entouré d’une bande d’énergumènes ; à Vaqueyrolles, une propriété qu’ils essayèrent d’incendier et où, croyant découvrir un trésor, ils déterrèrent le cadavre d’une petite fille de dix ans, dont l’odeur arrêta leurs recherches sacrilèges. Ces méfaits nécessitèrent l’intervention de la force armée. Le général de Barre se rendit sur les lieux avec des gardes nationaux, lesquels, ayant aperçu sur leur route un individu qui fuyait devant eux[1], et en qui ils reconnurent un fédéré, tirèrent sur lui et le tuèrent. Ce meurtre accompli par des hommes auxquels était confié le maintien de l’ordre et dont leurs officiers ne pouvaient détourner la main suffit à révéler l’état anarchique de ce malheureux pays. Que les autorités se montrassent impuissantes à apaiser l’exaltation des royalistes, à contenir l’agitation de la Gardonnenque et des Cévennes, cela peut à la rigueur se comprendre, mais qu’avec l’appui d’une ville remplie d’honnêtes gens armés elles ne soient point parvenues à emprisonner une poignée de malfaiteurs, comment l’expliquer, si ce n’est par un triste défaut d’énergie, par la peur que leur inspiraient les élémens violens de la garde nationale ou par une complaisance naturelle qui les disposait à ne voir dans les assassinats qu’elles auraient voulu arrêter qu’une regrettable initiative du peuple se faisant justice ? Le 21 juillet, deux autres individus[2] périrent sous les coups des associés de Truphémy et de Trestaillons. La journée du 24 fut encore signalée par un meurtre qu’une troupe armée commit sur la personne d’un garçon boulanger absolument inoffensif[3]. Le 27, un ancien sergent de ville[4], arrêté chez lui par des gardes nationaux, conduit devant le commissaire de police et renvoyé par ce dernier à la mairie, fut tué en route, malgré les supplications et les larmes d’une jeune fille, sa nièce, qui s’efforçait d’attendrir les exécuteurs. Enfin, le lendemain matin, le conseil de guerre institué par les autorités provisoires pour atteindre quelques bonapartistes, condamna à mort un capitaine à la demi-solde, qui fut exécuté le même jour[5], quelques heures avant l’arrivée à Nîmes de l’ordonnance du 24 juillet, qui, sauf diverses exceptions qu’elle énumérait, amnistiait les

  1. Imbert, dit la Plume.
  2. David Chivas et Rembert.
  3. Jacques Combes.
  4. Louis Dalbos.
  5. Déféraldi. Le jugement du conseil de guerre avait été cassé ; mais l’exaltation publique fut si violente que les autorités se crurent obligées de l’exécuter. (Archives nationales) Le général de Barre n’osa annoncer au gouvernement son exécution.