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l’inspiration dans presque toutes les atrocités qui ensanglantèrent Nîmes à dater de ce jour, et qui plus qu’aucun de ses pareils a contribué, son impunité aidant, à donner aux événemens que nous racontons l’odieuse physionomie qu’ils ont gardée jusqu’à nous.

Nous avons dit qu’en quittant Nîmes le général Gilly avait laissé dans les casernes, où elle s’était fortifiée, une partie de la garnison composée de soldats attachés à l’empereur, enivrés du souvenir de sa gloire, dont ils avaient leur part, et que sa chute exaspérait. Témoins de l’irritation qui s’empara de la ville délivrée et qu’aggravaient leur résistance et leur attitude menaçante, ils en subissaient le contre-coup. Une collision devenait imminente entre eux et la population, dont un grand nombre de paysans royalistes était venu exciter les ardeurs. Les hommes modérés qui conservaient encore quelque autorité entreprirent d’apaiser les esprits et ouvrirent avec le général de Maulmont, disposé à entrer dans leurs vues, des négociations ayant pour but d’éviter l’effusion du sang et de faire disparaître une batterie d’artillerie dressée devant les casernes. Le général de Maulmont consentit à livrer ses canons à une compagnie d’élite de la garde nationale, qui s’était formée sous le commandement du maire pour assurer le maintien de l’ordre. Mais dans la journée du 17 juillet, devant la foule houleuse massée sur la place, des casernes et que ne parvenaient pas à contenir quelques gendarmes effrayés de leur petit nombre, les soldats placés aux croisées, soit que cette foule les eût provoqués, soit que la convention consentie par leur général les eût affolés, sautèrent sur leurs fusils et firent, sans avoir reçu des ordres, une décharge générale. Douze personnes tombèrent, onze tuées sur le coup, une blessée mortellement[1]. La place fut vide en un instant. La foule, réfugiée dans les rues voisines, poussait des cris de vengeance. Il y eut encore des coups de feu qui blessèrent plusieurs personnes et tuèrent deux soldats. Le tocsin sonnait à toutes les églises. La municipalité envoyait en toute hâte des messagers à Beaucaire et à Uzès, sollicitant des secours afin d’arrêter la guerre civile. Grâce à l’intervention du général de Maulmont et à la fermeté de quelques officiers, la garnison capitula vers le soir. Les soldats brisèrent leurs armes, déchirèrent leurs drapeaux, enclouèrent les canons, jetèrent les munitions dans un puits, tandis que le général stipulait que les officiers garderaient leur épée. Le départ de la garnison devait avoir lieu dans la nuit. A trois heures, elle sortit des casernes en bon ordre, ayant à sa tête le général de Maulmont, et défila silencieusement devant un assez grand nombre de spectateurs. Tout à coup des hommes de

  1. Voici les noms des victimes : Mazoyer, Bressant, Castor, Aimé, Maurice, Nouvel, Aigon, Sadoul, Daussac, Française, Rouvière, Claude Philippe.