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I

A la première nouvelle du débarquement de Napoléon à Cannes, le gouvernement du roi avait pris d’énergiques mesures pour défendre son existence menacée. Tandis que le comte d’Artois parlait pour Lyon, le duc de Bourbon pour l’Ouest, et M. de Vitrolles pour Toulouse, avec la mission d’organiser sur ces points la résistance au nom de Louis XVIII, le duc d’Angoulême, qui se trouvait alors à Bordeaux, était invité à se rendre en Languedoc et en Provence afin de soulever contre l’usurpateur ces contrées passionnément dévouées aux Bourbons ; le prince s’empressait d’obéir, se dirigeait en toute hâte vers Montpellier, Nîmes et Marseille, échauffait par sa présence et sa parole le royalisme du Midi, et formait trois corps d’armée à l’aide des troupes régulières qu’il croyait fidèles à sa cause et d’un grand nombre de volontaires accourus à son appel. Puis, tandis qu’une partie de son effectif achevait de s’organiser dans le Dauphiné, l’autre en Auvergne, lui-même prenait au Pont-Saint-Esprit le commandement d’une colonne de 5,000 hommes et se mettait en route pour remonter la rive gauche du Rhône et poursuivre l’empereur déjà en route vers Paris. Il atteignait ainsi Valence en quelques jours, chassant devant lui les troupes impériales, auxquelles il livrait un brillant combat sur la Drôme, entre Loriol et Livron. Mais là, paralysé par la défection des bataillons qu’il avait amenés avec lui, par la marche rapide de Napoléon et par la soumission de la France au despotisme, ne pouvant plus compter que sur des volontaires sans organisation, il était contraint de s’arrêter et bientôt réduit à capituler. Ses officiers. le conjurant de se dérober par la fuite aux mains de l’ennemi, il leur déclarait qu’il partagerait jusqu’au bout la fortune de ses soldats, et signait le 9 avril, au bourg de la Palud, avec le général Gilly, l’un des commandans des troupes impériales, une, convention portant que les volontaires royaux se raient licenciés, qu’ils rentreraient dans leurs foyers sous la protection des autorités nouvelles, et que lui-même serait conduit à Cette, où il s’embarquerait.

Tandis qu’aux bords du Rhône se déroulaient ces événemens, dans Nîmes, chef-lieu du département du Gard, qui avait fourni à la cause royale le plus grand nombre de ses partisans, ceux de l’empereur se déclaraient ouvertement. Recrutés surtout parmi les officiers en demi-solde, appuyés par une partie de la garde urbaine et par les populations protestantes de la Gardonnenque[1], ils

  1. On désigne sous ce nom le groupe des communes situées au nord de Nîmes, dans la vallée du Gardon.