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distance se trouvait un heppah beaucoup plus considérable. Les Anglais se dirigent de ce côté ; les habitans, hommes, femmes et enfans, au nombre d’une centaine, viennent à leur rencontre, et, parvenus à portée de la voix, ils font une invocation, puis ils s’asseyent au milieu des broussailles. Pareilles cérémonies marquent des dispositions amicales. Les voyageurs approchent, répandent maintes largesses et manifestent le désir d’entrer dans le village. Bon accueil fait à la demande, les indigènes conduisent les étrangers. Situé sur un promontoire, le village est parfaitement inabordable de la mer ; du côté de la terre ce sont encore des fossés, des palissades artistement disposées, des passes tortueuses faciles à barricader qui le mettent à l’abri d’un coup de main. Le commandant de l’Endeavour exprime l’envie d’avoir la représentation de l’attaque et de la défense d’une telle place ; des jeunes gens se prêtent volontiers à cette fantaisie. Les tentatives d’assaut et les ripostes sont précédées des chants, des danses, des affreuses contorsions, des gestes de menace dont les Anglais ont eu le spectacle dans de plus graves circonstances. Partout les hommes qui ne sont pas pleinement affermis par le sentiment raffiné de l’honneur ont besoin de s’animer, de s’exalter, de s’enivrer, pour ne pas faiblir devant le danger. Au retour, Cook constate en divers endroits la présence de sables ferrugineux, et pourtant le métal est inconnu dans le pays. Il s’étonne de voir des gens dédaigner non-seulement des clous, mais encore de bons outils de fer, et tenir, en meilleure estime les misérables instrumens qu’ils ont coutume d’employer. L’éducation des Néo-Zélandais restait à faire. On va sortir de la baie ; en souvenir de l’observation astronomique, elle s’appellera la baie de Mercure[1]. Sur l’un des plus beaux arbres voisins de l’aiguade, on inscrit le nom du navire, celui du commandant, la date du séjour, et, le travail achevé, le chef de l’expédition, faisant déployer les couleurs de la Grande-Bretagne, déclare prendre possession au nom de sa majesté le roi George III. L’Endeavour poursuivant sa marche vers le nord, on eut toujours à se mettre en garde contre les indigènes. La pointe qui limite la baie de Mercure à peine doublée, on aperçoit sur le rivage un gros rassemblement où les conversations semblaient fort animées. Une demi-heure plus tard, les insulaires, qui s’étaient jetés dans des pirogues, s’avancent en faisant toute sorte de provocations. On persiste à ne pas s’occuper d’eux ; ils lancent quelques pierres et s’en retournent. Ce n’est pas fini. Ils reparaissent bientôt et arrivent jusque sous la poupe. Tupia les avertit qu’on possède des armes terribles et que, s’ils attaquent, on en usera pour les anéantir en un moment. Alors, chose encore nouvelle, les

  1. Mercury Bay.