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réfléchissent pas que ce qu’ils proposent est la politique la plus délicate, la plus dangereuse. Par le fait c’est une sorte de sécession, une sorte de rupture sous forme d’abdication qui peut avoir les plus gravés conséquences. A-t-on calculé les suites d’une telle politique ? Sans aller jusque-là, la France n’a qu’à accepter son rôle d’impartialité dans des négociations dont elle n’est pas chargée de garantir le succès et à suivre des événemens dont elle n’a pas la mission de dire le dernier mot.


CH. DE MAZADE.



Pensées of Joubert, selected and translated, with the original french appended, by Henry Attwell. London 1877. Macmillan.


Ce n’est pas aux lecteurs de la Revue qu’il faut rappeler le nom de Joubert, comme celui de l’un des écrivains les plus profonds et les plus ingénieux du commencement de notre siècle. On sait que ses Pensées, qu’il n’avait jamais songé à publier, avaient été, plusieurs années après sa mort, en 1838, recueillies et imprimées, mais seulement pour un cercle intime, par un de ses illustres amis, M. de. Chateaubriand. Sainte-Beuve, toujours curieux des nouveautés littéraires, eut connaissance de ce premier recueil ; il en parla et il en donna de nombreux extraits dans la Revue, et il exprima le vœu qu’une nouvelle édition vînt mettre ces précieux fragmens à la disposition du public. Un neveu de Joubert, Paul de Raynal, reprit les manuscrits, compléta et mit dans un ordre meilleur les Pensées ; il y ajouta ce qu’il put réunir de la correspondance, et fit précéder la nouvelle édition publiée en 1842 d’une notice qui fut remarquée. Depuis cette époque, après la mort de M. Paul de Raynal, des éditions nouvelles ont successivement paru avec quelques additions. Les Pensées sont bien vite devenues comme une monnaie courante dont se sont servis les esprits d’élite de notre temps, et, par une bonne fortune que n’avait pu prévoir son auteur, ce livre posthume, où s’unissent tant d’élévation, tant de finesse d’observation et tant de délicatesse de style, a pris rang au nombre des classiques et a rencontré, même hors de France, de fervens et sympathiques admirateurs. La traduction dont nous voulons ici dire un mot en est une preuve. Un littérateur anglais distingué, M. Henry Attwell, qui dirige près de Londres une grande institution d’enseignement supérieur, the Nassau school, a conçu pour Joubert une de ces admirations dont nous parlions tout à l’heure. Il a consacré ses loisirs à traduire une partie des Pensées, et il a voulu publier sa traduction, tout à la fois comme une lecture utile et charmante, et pour faire partager à ses compatriotes son culte pour un auteur favori. Il est assurément en Angleterre le plus fervent, mais il n’est pas le seul admirateur de Joubert. Déjà M. Ludlow, dans un essai sur les auteurs de Pensées, inséré au Macmillan’s Magazine, après avoir dit que « jeter les yeux