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province sont devenus autant de nouvelles parties prenantes qui absorbent maintenant une portion des revenus ; le nombre des sous-préfectures a été doublé, et les titulaires dotés presque comme des préfets ; tous les traitemens, du haut en bas de l’échelle des fonctionnaires, ont été considérablement grossis, car c’était à ce prix seulement que devenait possible le recrutement d’un personnel suffisant ; on n’a pas négligé non plus de veiller à la large installation des moindres services publics dans des bâtimens construits, agrandis ou acquis aux frais de la province, et l’université de Strasbourg, si peu fréquentée pourtant par la jeunesse indigène, constitue à elle seule une charge qui dévore annuellement des millions[1].

Dans ces conditions, il ne pouvait naturellement plus être question des dégrèvemens et réformes d’impôts qu’on avait fait espérer un moment ; bien plus, par la situation économique dans laquelle l’Alsace-Lorraine était rapidement tombée et qui avait brusquement tari plus d’une source de revenus publics ou privés, les impôts existans sont eux-mêmes devenus plus lourds : grevés de centimes additionnels excessifs, auxquels venaient encore s’ajouter des charges nouvelles, telles que celles du logement militaire pendant la période des manœuvres, des passages et des rassemblemens de troupes, les impôts se répartissent en outre, maintenant, sur un moindre nombre de têtes, depuis que l’émigration a causé tant de vides dans la population du pays.

Il était bien moins encore question d’accorder aux Alsaciens-Lorrains ces libertés municipales dont M. de Bismarck avait parlé en 1871. Au contraire, le gouvernement avait jugé indispensable de s’armer, dès l’année suivante, de cette loi singulière dont les maires de Metz et de Colmar, MM. Bezanson et de Peyerimhof, ont été les plus récentes victimes, et qui en fait l’autorise à remplacer à son gré les municipalités incommodes par un de ses propres agens, investi tout à la fois des pouvoirs, des attributions et des droits du maire, de ses adjoins et du conseil municipal élu. C’est sous ce régime que la ville de Strasbourg est placée depuis près de cinq ans.

Les choses en étaient là, et la situation administrative et financière se compliquait d’embarras croissans quand est venu le jour où la mise en vigueur de la constitution allemande en Alsace-Lorraine, demeurée jusque-là sous le régime des décrets-lois, appelait le Reichstag à exercer son droit de contrôle sur l’administration du pays. C’était au commencement de 1874. La nouvelle province venait d’envoyer au parlement de Berlin une députation de quinze membres, tous également résolus à ne rien faire qui pût aider le

  1. L’ouvrage de M. Grad contient en maints endroits d’amples et curieux renseignemens sur l’augmentation de charges qui est résulté pour le budget d’Alsace-Lorraine de l’exagération des dépenses relatives à l’entretien du personnel administratif allemand.