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Ce rôle, la loi française l’a prévu et défini de la manière la plus large, et il n’y a rien à souhaiter à cet égard. Nous admettons parfaitement, nous désirons même, un état qui contrôle et qui surveille ; mais nous redoutons un état qui, chargé d’agir lui-même, est condamné à flotter toujours entre deux écueils, l’indifférence ou l’excès, qui, en un mot, empêchera ou opprimera.

Nous n’hésitons donc pas à conclure qu’il n’y a rien à changer à l’organisation générale du réseau des chemins de fer en France. Cette organisation comporte des améliorations, nous sommes bien éloigné de le méconnaître ; mais l’exploitation des chemins de fer n’est déjà plus ce qu’elle était il y a vingt ans, et elle sera singulièrement transformée encore d’ici à vingt autres années. Les mots changement de propriétaire, que l’on voit écrits en gros caractères sur la porte de certains établissemens, ne sont pas d’ordinaire. l’indice d’une situation florissante, et le public s’est plus d’une fois demandé si l’ancien propriétaire ne valait pas mieux que le nouveau.

Dans tous les cas, est-il sage, est-il raisonnable d’abattre une maison dans le seul but d’avoir un meilleur logement ? Pourquoi se hâter, se presser sans mesure ? La loi a prévu le moment où, sans secousses, sans difficultés, l’état entrera en possession du réseau français, où il recevra sans bourse délier au moins 30 à 35,000 kilomètres de lignes ayant coûté plus de 12 milliards qui seront alors complètement remboursés. Le revenu d’un tel réseau suffira pour payer la dette publique. Une telle perspective est-elle à dédaigner, et ne doit-on pas, au contraire, tout faire en vue de se ménager dans l’avenir un si beau résultat ?

N’oublions pas enfin le vœu formulé par un écrivain militaire allemand, de voir disparaître dans son pays l’organisation administrative et gouvernementale si compliquée des chemins de fer et de remplacer cette confusion par la création de grands réseaux ayant leur organisation propre, leur crédit, leur initiative et leur responsabilité. Collaborateurs, en temps de paix comme en temps de guerre, de la grande commission militaire supérieure des chemins de fer, les chefs des compagnies françaises mettent à la disposition du ministère de la guerre un personnel nombreux et parfaitement discipliné. Nous ne sommes pas habitués à trouver dans les publications étrangères l’éloge des institutions françaises ; faut-il écrire aux journaux américains que l’opinion qu’ils se sont faite de l’organisation de nos chemins de fer est fausse ? faut-il prévenir les Allemands que nous allons nous hâter de faire disparaître la concentration de nos forces industrielles ?


F. JACQMIN.