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d’Orléans et de Rouen), mais l’état passe aux yeux du public, et non sans raison, pour être inférieur aux compagnies quand il s’agit du trafic. » Le 17 août 1849, M. Victor Lefranc adresse à la commission de l’Ouest un rapport dans lequel se trouvent ces passages remarquables : « Les pensées de spéculation sont étrangères aux tendances naturelles de l’état et opposées aux diverses considérations qui déterminent habituellement son action. L’état est moins apte que tout autre à résoudre commercialement des questions de tarifs ; sa situation de tuteur de tous les intérêts le force à se placer alternativement au point de vue de la protection des industries existantes et à celui du développement des satisfactions réclamées par l’intérêt public… Il est impossible d’espérer des agens de l’état les efforts de tous les instans que l’industrie privée sait obtenir et récompenser. » En d’autres termes, est-il possible de concilier ces deux choses : l’état entrepreneur, commerçant et responsable ; l’état protecteur des intérêts généraux et irresponsable ?

Nous estimons que l’expérience tentée par l’état, de 1849 à 1852, a répondu négativement à cette question ; une expérience nouvelle ne donnerait pas un autre résultat ; les mêmes causes produiraient les mêmes effets, et, entreprise sur une plus grande échelle, l’exploitation des chemins de fer par l’état imposerait au trésor public de plus lourds sacrifices.


III. — COMPARAISON ENTRE L’EXPLOITATION PAR L’ETAT ET PAR LES COMPAGNIES.

Nous avons montré comment s’étaient constitués chez les diverses nations de l’Europe les réseaux de chemins de fer ; nous avons dit quels avaient été en France les essais d’exploitation par l’état de 1849 à 1852, essais suivis d’insuccès. Il nous reste à étudier l’exploitation par l’état chez les nations qui pratiquent ce système et à chercher si les résultats obtenus sont supérieurs à ceux que donne l’exploitation par les compagnies.

On a vu qu’il n’existe nulle part un réseau de 24,000 à 25,000 kilomètres exploité par une administration unique. Nous devons, à ce propos, mentionner un fait qui nous a frappé. En signalant l’étendue des réseaux de chacune des compagnies françaises comme un obstacle au progrès, on a dit qu’un conseil d’administration, qu’un directeur ne pouvaient s’occuper utilement d’un réseau ayant plus de 2,000 à 3,000 kilomètres. Par une contradiction singulière, les mêmes personnes voudraient confier à un ministre la charge d’un réseau huit ou dix fois plus considérable. Les conseils d’administration sont en quelque sorte permanens ; les directeurs et les chefs de service des compagnies comptent tous un nombre