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L’arrière est occupé par un réservoir d’air comprimé. Au moyen d’un tube, où l’on introduit également, comme agent moteur, une petite quantité d’air comprimé, on lance la torpille-poisson. Au sortir de ce tuyau, le projectile prend sa course que dirige une hélice placée à l’arrière ; il est poussé par un mécanisme intérieur dont les dispositions les plus délicates sont tenues secrètes. L’installation de ce mécanisme est confiée en Angleterre à des agens peu nombreux qui travaillent en des ateliers mis à l’abri de toute indiscrétion. Ajoutons seulement que la torpille Whitehead a l’avantage de tenir les bateaux-torpilleurs et leur équipage à distance des bâtimens qu’on attaque. C’est une question d’humanité, si tant est que l’humanité ait un rôle quelconque dans l’emploi de cet agent destructeur. Comme on l’a vu dans la guerre de sécession aux États-Unis, les torpilles ont été très souvent funestes à ceux qui s’en servaient ; les gouvernemens sont donc préoccupés de la pensée d’épargner autant que possible la vie des assaillans, si ce n’est celle des assaillis, et surtout d’éviter la nécessité de recourir à des dévoûmens exceptionnels pour ce service, qui n’exige pas seulement de la résignation, mais de l’initiative et de l’entrain.

Dans cette vue, les états maritimes ont poursuivi des études sur cet engin meurtrier, même après l’invention de la torpille Whitehead. Celle-ci n’est pas sans défaut. Son mécanisme, excellent dans les eaux calmes, fonctionne imparfaitement dans une mer agitée. Un incident malheureux en a d’ailleurs signalé les essais en Angleterre. La chambre à air comprimé a fait un jour explosion à Woolwich ; les éclats du métal ont tué un ouvrier, et cet événement a refroidi l’enthousiasme. Les recherches ont donc continué. On les a dirigées particulièrement sur l’engin dit « torpille Harvey, » du nom de l’inventeur. C’est une boîte de forme irrégulière, longue de 1m,50, large de 15 centimètres, qui est pourvue de chevilles d’inflammation à la partie supérieure. Cet instrument de guerre diffère des autres par deux particularités très importantes : celle d’être remorqué par une longue corde métallique qui le tient éloigné du bateau porté-torpilles, et celle de flotter non pas à la suite de ce bateau et dans son sillage au risque d’y causer de graves accidens, mais sur un plan presque parallèle, au moyen de pattes d’oie qui le maintiennent dans cette position, quand le bâtiment remorqueur marche avec vitesse. Telles sont à peu près les explications que donnent les recueils spéciaux sur ce projectile. Nous ne l’avons pas vu. On dit que cette disposition donne à la torpille Harvey un faux air de pieuvre, avec ses gros yeux que figurent les chevilles explosives, et c’est en effet une pieuvre dangereuse qui rayonne autour des embarcations, blessant à mort tout ce qu’elle rencontre surdon passage. Cette machine est, dit-on, très marine, ce qui veut dire