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LA MARINE RUSSE
ET
LA FLOTTE TURQUE
DANS LA MER-NOIRE

La marine russe, pendant la guerre, s’est signalée par des actes de hardiesse et de courage personnels ; mais l’institution en elle-même n’a tenu qu’un rang secondaire. Pendant que l’armée de terre livrait de grandes batailles et couvrait le territoire ennemi de ses nombreux bataillons, les marins lancés sur le « liquide élément » se bornaient à soutenir par des tentatives audacieuses, mais sans grande portée, le prestige du pavillon. Cette attitude a causé quelque étonnement. On supposait qu’à l’exemple de l’Allemagne, de l’Autriche et de l’Italie, la Russie avait profité des années de paix dont elle a joui, depuis la guerre de Crimée, pour créer une flotte capable de renouveler dans la Mer-Noire la bataille navale de Sinope. Loin de là, les escadres ottomanes ont pu cette fois promener librement leur drapeau, bombarder les côtes avec impunité. Nous avions signalé d’avance cette perspective lorsque nous citions, dans la Revue du 1er juin 1876, les paroles suivantes d’un officier de la marine russe : « Si la guerre éclatait dès à présent, disait-il, la marine russe ne pourrait pas prendre l’offensive, et, dans ce cas, elle devrait se borner à la protection des côtes. Elle pourrait aisément s’acquitter de ce devoir, car elle est armée pour le remplir, et les préparatifs qu’elle a faits sont excellens. »

L’officier qui tenait ce langage raisonnait dans l’hypothèse théorique d’une guerre maritime avec la Prusse et d’un conflit dans la Baltique. Il n’avait pas en vue la Turquie et n’examinait pas l’éventualité de combats dans la Mer-Noire. En ce cas, il eût été plus