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dernier, pour ne demander l’explication des faits qu’aux seules lois de la mécanique : elles nous conduisent tout de suite, et comme vérification, aux conséquences suivantes. S’il est vrai que l’électricité qui circule dans le circuit d’une machine Gramme n’est qu’une forme nouvelle du travail qui lui a donné naissance, à son tour elle doit pouvoir, accomplissant la transformation inverse, se changer en travail moteur, et si on la dirige à travers la bobine d’une seconde machine Gramme à l’état de repos, elle doit la mettre en mouvement et lui faire exécuter le travail qui a été dépensé dans la première machine. C’est en effet ce que l’expérience vérifie, et, pour qu’il ne manque rien à cette vérification, on intercale dans le circuit un fil de platine très fin, qui rougit si on arrête le mouvement de la deuxième machine, et qui s’éteint si on le laisse se faire. Cela veut dire que le courant électrique peut à volonté se transformer ou en chaleur ou en mouvement, et qu’il ne fait à la fois qu’une seule de ces deux choses ; et cette remarquable expérience nous apprend qu’un jour peut-être il sera possible d’aller chercher dans un cours d’eau, dans la poussée des marées, dans la chute d’une cascade, un travail faisant tourner une machine Gramme, et le transmettre électriquement à Paris à une autre machine pour y produire son effet utile ; mais bien des causes s’opposent encore à la réalisation de ce rêve.

Cette digression, qu’il ne dépendait pas de moi d’éviter, nous ramène à la question. Si l’on demande combien coûte la lumière électrique, on répondra en disant à combien de chevaux-vapeur elle équivaut. Or les 1,860 becs de M. Tresca exigeaient environ 7 chevaux, ou 0ch.4 par 100 becs ; mais, quand on emploie une machine Gramme moins forte, ne produisant qu’une seule lumière de 100 becs, elle exige 1ch,5. Comme toutes les marchandises, la lumière est bon marché en gros, chère au détail. Et enfin si, arrivant à la question finale, on demande à combien de francs reviennent 100 becs, il suffira de dire qu’en moyenne ils exigent un cheval, et de calculer ce que ce cheval coûte.

Cependant la question n’est pas aussi simple ; il faut ajouter le prix des appareils, l’intérêt des fonds engagés, l’amortissement, l’entretien, les frais de surveillance, les gages des agens, etc. ; c’est alors qu’intervient l’art de grouper les budgets et de dicter aux chiffres la réponse que l’on veut obtenir. M. Fontaine, dans un livre récemment publié, affirme qu’à égale quantité la lumière électrique coûte 75 francs moins cher que la bougie : M. Fontaine est électricien. J’ai sous les yeux, d’autre part, une brochure non signée dans laquelle il est prouvé que la lumière par l’électricité coûte 1 fr, 65 cent., quand elle revient par le gaz à 1 franc : cette