la capote, le képi sur l’oreille, se croyant un homme de guerre et se comparant mentalement à César ou à Frédéric II. Obséquieux du reste et très timide, sa spécialité consistait à bâtir des barricades et à ne point les défendre. Il était venu voir Latappy et le remercier d’avoir mis à sa disposition cent dix fûts trouvés dans les magasins du ministère ; il saluait fort bas le concierge et lui demandait « la faveur » de remiser ses brouettes dans la cour. Familièrement on l’appelait l’empoisonneur, car, pour fortifier les talus et les « blinder, » il les avait fait garnir avec des paquets de chiffons qui — ainsi qu’eût dit Rabelais, — puaient bien comme cinq cents charretées de diables. Ces chiffons étaient contenus dans des sacs gris et dans des sacs de toile à matelas ; il les faisait alterner, obtenant de la sorte une décoration grossière qui le ravissait ; il s’éloignait semblable à un peintre qui cherche l’objectif de son tableau clignait des yeux et trouvait que cela était bien. Les temps n’étaient point gais alors, et cependant l’on a conservé un bon souvenir du « père Gaillard » au ministère de la marine, car il était si naturellement grotesque qu’il y faisait rire tout le monde.
Ce qui parut moins comique que « le commandant supérieur du bataillon de barricadiers de la commune, » c’est que vers le 16 mai trois camions pénétrèrent dans la cour du ministère. Ils étaient chargés de touries de pétrole, de caisses renfermant des mèches soufrées, d’obus décoiffés. Tous ces engins de destruction furent rangés dans la petite cour qui s’ouvre derrière la porte de la rue Saint-Florentin. On interrogea Latappy, Matillon, Boiron ; ils répondirent d’une façon évasive : « Il n’y a pas lieu de s’inquiéter ce sont des munitions de guerre destinées aux remparts ; on ne les a que momentanément déposées au ministère. » Le docteur Mahé M. Gablin, M. Le Sage, n’étaient point convaincus ; ils secouaient la tête, et, regardant dans la direction de Versailles, ils se disaient : « Mais que font donc nos hommes ? » Ce que « nos hommes » faisaient, il faut le dire, car ils eurent une action considérable dans la délivrance de Paris.
Au début de la guerre franco-allemande, nos vaisseaux avaient couru à travers la Méditerranée, l’Océan, la mer Baltique cherchant le péril partout et ne le rencontrant nulle part. Aussitôt que nos premiers désastres aux frontières de l’est eurent appris que tout projet de débarquement sur la côte prussienne devait être abandonné, on chercha à utiliser pour la défense du pays l’admirable ressource que notre marine nous offrait. Fantassins de marine