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monumens. Pour mesurer le pas qui, grâce à la photographie, a été fait dans cette direction, il suffit de rapprocher des belles gravures qui décorent aujourd’hui tant de relations de voyages les lithographies, exécutées d’après de simples croquis, que l’on rencontre encore dans les ouvrages du même genre publiés il y a trente ou quarante ans.

C’est ici que le réalisme est à sa place, car le point de vue de la science est essentiellement différent de celui de l’art. Sans doute, comme l’a très bien dit M. Charles Sainte-Claire Deville, « il arrivera aussi rarement que l’imitation absolument exacte ou photographique d’une contrée étendue constitue ce qu’on appelle un paysage, qu’il arrivera que la reproduction textuelle d’une scène de la vie ordinaire ou d’un épisode historique puisse, sans variantes, se transporter sur le théâtre ou se raconter dans un poème. » Mais, pour nous instruire, un calque de la nature vaut peut-être mieux, et il est en tout cas plus facile à obtenir, — ce qui n’empêche pas que, parmi les vues photographiques rapportées par des voyageurs, il n’y en ait d’une très réelle valeur esthétique. On a pu s’en convaincre à l’exposition universelle de 1867, où figuraient d’admirables vues des contrées les plus lointaines. Il y avait là les grandes vues des Indes, de MM. Bourne et Shepperd, du colonel Briggs, de M. Griggs, — celles que M. Champion avait rapportées de Chine, — les vues de Cochinchine exécutées par les soins du gouvernement français, — des vues d’Égypte, envoyées par M. Cammas et M. Désiré, — une série de vues rapportées d’Algérie par le capitaine Piboul et le baron Champlouis, — un long panorama de Constantinople exposé par les frères Abdullah, etc. A Vienne, en 1873, on a pu admirer les photographies rapportées de l’extrême Orient par W. Burger, du Japon par le baron Stillfried, de la Nouvelle-Zemble par le comte Wilczek, les vues d’Égypte envoyées par MM. Schœfft et P. Sebah, etc. La collection de vues photographiques de MM. J. Lévy et Cie embrasse aujourd’hui toutes les contrées du globe.

Insister sur les avantages que l’archéologie retire de la reproduction photographique des monumens est superflu. Qu’on songe seulement au temps qu’il faudrait à un dessinateur, même habile, pour reproduire tant bien que mal les hiéroglyphes qui couvrent tel monument de Memphis ou de Karnak ! Les planches qui accompagnent des ouvrages comme la célèbre Exploration de l’Asie-Mineure, de M. George Perrot, la Mission de Phénicie, de M. Renan, ou Milet, par MM. Rayet et Thomas, sont là pour démontrer l’importance de cette application. Et peut-être ces planches contiennent-elles des découvertes à l’état latent ! M. Louis Figuier[1] rapporte à

  1. Les Merveilles de la science, t. III.