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verbaliser ; le président de la cour et le parquet font tous leurs efforts pour inculquer à ces humbles fonctionnaires une mansuétude et une modération dont les exécutions administratives de la régie égyptienne ne leur fournissent guère le modèle. Le ministre du khédive a, de son côté, adressé des instructions aux moudirs (préfets) pour qu’ils fassent accompagner l’officier ministériel par un ou plusieurs soldats ; ce fonctionnaire doit également leur délivrer un ordre écrit pour le cheik-el-beled (chef de village) enjoignant à celui-ci de prêter son assistance à l’huissier. Il est arrivé cependant qu’un huissier, après s’être vu refuser l’appui du cheik-el-beled, a été poursuivi à coups de pierres par la population, blessé, accablé d’outrages et n’a échappé au massacre que par la promptitude de sa fuite. Le parquet a dû sévir, et plusieurs condamnations, dont une à un an de prison, sont intervenues contre les auteurs de cette rébellion, tandis qu’on renouvelait aux huissiers l’ordre d’atténuer autant que possible la rigueur des poursuites par la discrétion de leurs procédés. Quoi qu’il en soit, l’exécution des sentences souffre toujours de grandes difficultés et de longs retards.


III

Mais de tous les débiteurs le plus récalcitrant et de tous les insolvables le plus obstiné, c’est sans contredit le vice-roi lui-même. Après avoir cherché dans la nouvelle organisation un expédient pour se soustraire à ses obligations, il a vu ses calculs déjoués par l’attitude ferme et résolue de la magistrature nouvelle. Il faut, pour expliquer cette phase critique de son existence, retracer en peu de mots la situation financière du vice-roi.

On sait qu’en dehors de la fortune publique de l’Égypte, aujourd’hui si obérée, le khédive est personnellement possesseur d’immenses domaines et peut-être de trésors considérables, constituant sous le nom de daïra une sorte de dotation. Profitant du crédit que lui assurait ce patrimoine, il a contracté sur ce gage un premier emprunt de 6 millions de livres sterling, puis des engagemens par lettres de change s’élevant à plusieurs millions sterling ; de plus il a émis des bons daïra-mallieh, c’est-à-dire tirés par l’administration de la daïra sur celle des finances égyptiennes. Enfin il a une dette flottante d’environ 100 millions de francs envers des employés, cochers, jardiniers, colonels, généraux, ministres et fournisseurs. Ces derniers sont les plus nombreux, car c’est un client universel que le khédive ; exploitant tout par lui-même, il a besoin de charbon, de fer, de bois, de mécaniques, d’instrumens. N’est-il