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canonnières, qui du moins ne l’oubliaient pas. Elle put s’en apercevoir le 15 avril en recevant une députation de marins à la tête de laquelle marchait le « lieutenant de vaisseau » Bourgeat, qui, on se le rappelle, avait dû céder le commandement en chef au « capitaine de frégate » Durassier. — Que voulez-vous, mes braves ? — Nous voulons être payés. Le commandant Durassier et le commissaire Charles Le Duc ont mis la solde dans leur poche ; nous avons beau réclamer, on ne nous donne pas un sou, et ça ne peut pas durer comme ça. — La commune ne parut pas trop surprise, car son administration abondait en faits analogues ; elle renvoya la députation à se pourvoir devant le délégué Latappy, qui reçut ordre d’ouvrir une enquête sur les actes d’indélicatesse reprochés à Durassier et à ses complices. On fit mieux, et le plus ignoré des membres de ce gouvernement d’inconnus fut envoyé à Latappy, ainsi qu’il ressort de la lettre suivante : « Le citoyen Champy, membre de la commune, est délégué auprès du citoyen ministre de la commune (il faut lire : de la marine) pour lui porter les plaintes d’une députation de marins de la flottille, qui vient de se présenter à la commission exécutive, et régler tout avec le citoyen ministre pour le mieux et pour le bien de la république. — Pour la commission exécutive : PASCHAL GROUSSET. » Pendant que l’ouvrier orfèvre Champy se disposait à remplir la mission dont il était chargé, l’ouvrier chapelier Amouroux, membre de la commune en ses momens perdus, écrivait de son côté : « Mon cher Latappy, prenez donc en considération, je vous prie, la demande de nos marins de la garde nationale, afin qu’ils puissent concourir avec nos bataillons à la défense de Paris, la défense du droit et de la justice. — Salut et égalité. Le secrétaire, membre de la commune : AMOUROUX. »

Les instances étaient pressantes, Latappy commença l’enquête prescrite ; il était assez probe pour croire instinctivement à la probité d’autrui ; il fut stupéfait et indigné des malversations dont il découvrit les preuves. Depuis longtemps il cherchait une occasion de se débarrasser de Durassier ; il saisit avec empressement celle qui s’offrait, il mit du même coup à la porte Durassier, commandant en chef, Cognet, chef d’état-major, et Charles Le Duc, commissaire de la flottille. Durassier fut même arrêté et passa quelques jours sous les verrous ; mais il obtint bientôt sa liberté, car on avait besoin d’hommes « d’action » et les peccadilles qu’il avait commises ne devaient pas l’empêcher de concourir à la défense de la commune et de mourir pour elle. Il fut remplacé dans son commandement par Auguste Peyrusset. C’était, comme l’on dit, tomber de fièvre en chaud mal. Peyrusset met immédiatement cinq galons à sa casquette, prend le titre de capitaine de frégate et lance des ordres du jour ; invitation aux marins classés ou volontaires d’avoir