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inventeurs de rénovation sociale qui remplissaient l’Hôtel de Ville de bouteilles cassées et de mauvaise rhétorique, si le 2 avril, jour du dimanche des Rameaux, l’armée de la commune n’avait essayé de cueillir quelques palmes de victoire. Ce jour-là un premier engagement eut lieu contre les troupes françaises, dans l’avenue de Courbevoie, au rond-point des Bergères, où M. Pasquier, chirurgien en chef, fut, non pas tué, mais assassiné. La commune fut affolée ; elle avait cru marcher à un triomphe certain et ne rencontrer devant elle que des soldats prêts à mettre la crosse en l’air ; il n’en fut rien, et du ministère de la marine l’on put voir les bandes fédérées qui revenaient en levant haut la semelle. Jusque-là les orateurs de carrefours et les écrivains de cabarets avaient représenté l’armée de Versailles comme toute disposée à prendre parti pour la commune. Le 26 mars, le Cri du peuple avait sérieusement publié ceci : « On nous confirme la nouvelle qui circulait ce matin dans Paris, que le général Ducrot aurait été jugé, condamné, fusillé à Satory, près Versailles, par les troupes placées sous ses ordres. » — Le lendemain du premier combat, le soir même, tout avait bien changé. La commission exécutive, composée de Bergeret, Eudes, Duval, Lefrançois, Félix Pyat, Tridon, Vaillant, fait placarder sur les murs de Paris une proclamation où l’on pouvait lire : « Les conspirateurs royalistes ont attaqué ! malgré la modération de notre attitude, ils ont attaqué ! Ne pouvant plus compter sur l’armée française, ils ont attaqué avec les zouaves pontificaux et la police impériale ! » Ce mensonge va se propager, devenir article de foi et persuader aux fédérés qu’ils sont en lutte avec des porteurs de goupillon. Les journaux font chorus, trop heureux de baver le fiel qui les étouffe. Il faut avoir le courage de répéter ce que certains hommes ont dit de l’armée française, de cette armée qui avait tant souffert et qui souffrait tant de n’avoir pu sauver le pays. — Voici ce que Vésinier, un peu bancal, à moitié bossu, tout à fait bancroche, surnommé par ses intimes « racine de buis », a écrit dans un journal qui s’appelait alors l’Affranchi : « Une armée, une horde, devrions-nous dire, recrutée de condottieri, de bravi, de mercenaires, de sicaires, de tout ce que les bas-fonds de la société, les bouges les plus infects de la police, les sentines les plus impures des Babylones modernes ont de plus corrompu, un ramassis de malandrins, de pandours et d’assassins, des mercenaires du pape et du roi de Naples, d’anciens forçats des bagnes de Gaëte et de Palerme, de zouaves pontificaux, de Vendéens fanatiques, de Bretons stupides, enrôlés par Charette et Cathelineau, dans leurs légions de volontaires pour la défense du trône et de l’autel ; à côté de ces malfaiteurs ignorans et fanatiques, il y avait d’autres hordes plus viles encore : les bravi de la police, les argousins des geôles, les gendarmes brutes et féroces, des gredins de la pire espèce, enrégimentés