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saurait se désintéresser, quoiqu’elle ne doive y prendre part que par une politique de circonspection et de fermeté. Au milieu de ce mouvement européen qui suit son cours, cependant, s’il y a des princes qui meurent, si la politique a ses deuils, la science, elle aussi, a ses victimes. Depuis quelque temps, la science française a perdu des hommes comme M. Leverrier, comme M. Regnault ; hier encore elle vient de perdre M. Claude Bernard, qui a décoré la Revue de quelques-unes de ses pages les plus substantielles et les plus brillantes. M. Claude Bernard était le créateur de la physiologie expérimentale. Il a eu le privilège d’être parmi nous un de ces génies favorisés qui agrandissent la science, non-seulement pour leur pays, mais pour le monde tout entier. M. Claude Bernard avait, de plus, l’art de populariser la science. Sa mort est un événement dans le fracas de tant de choses qui passent.

ch. de mazade.




Frederic Ozanam, professor at the Sorbonne, his Life and works, by Kathleen Omeara, Edimbourg, 1877.


Une Anglaise d’un rare mérite vient de consacrer tout un livre à l’un des écrivains qui honorent le plus la haute littérature française dans la première moitié de notre siècle. Frédéric Ozanam, professeur à la Sorbonne, sa vie et ses œuvres, tel est le titre de l’ouvrage ; l’auteur est Mlle Cathleen Omeara, qu’un beau et dramatique roman sur les épreuves de la Pologne avait déjà recommandée à l’estime du public lettré en Angleterre et ailleurs. Si notre illustre collaborateur Jean-Jacques Ampère était encore de ce monde, c’est lui qui devrait parler à nos lecteurs du livre de Mlle Omeara. Il avait déjà signalé ici même plus d’une page de l’éloquent écrivain. A défaut d’Ampère, plus d’un s’en chargerait, car la tradition des idées que représentait Ozanam n’a pas encore disparu, Dieu merci ! de notre société bouleversée. Comment ne pas s’attacher à une œuvre aussi large et aussi féconde que celle d’Ozanam, dans un temps où les meilleures doctrines tendent chaque jour à devenir stériles et à dégénérer en fanatisme ? Ozanam avait mis le centre de ses idées à l’abri de ces contagions malsaines ; sa foi, aussi haute que profonde, dépassait les polémiques vulgaires. Il ne craignait pour elle ni les progrès de la critique ni les découvertes de la science, car tout ce qui était progrès véritable ou découverte certaine avait son rang marqué d’avance sur l’échelle idéale où se plaisait sa pensée.

Est-ce que la révolution de 1848 le prit au dépourvu ? Pas le moins du monde. La république n’eut pas alors d’adhérent plus sincère que le rédacteur de l’Ère nouvelle. Avec des partisans comme celui-là, elle serait établie depuis trente ans. On vit bien quel était le patriotisme d’Ozanam, dans la sinistre journée du 25 juin, lorsqu’il eut tout à coup l’idée que l’intervention de l’archevêque de Paris pourrait arrêter la