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pontificales. Il a pleuré le vaillant prince, et il a retrouvé dans son cœur une inspiration souveraine pour lever toutes les difficultés, pour imposer silence aux oppositions qui s’élevaient déjà au sujet des honneurs religieux ; il a envoyé ses prêtres et ouvert ses églises. Son dernier acte a été un témoignage de sympathie pour le roi et pour l’Italie. La piété intime et attendrie l’a emporté sur les conseils de la politique ou de l’esprit de secte. Sympathie humaine, piété généreuse, tout cela se mêlait à l’ardeur sacerdotale dans l’âme du Vieux pontife qui disparaît à son tour après avoir assisté à la plus grande transformation de la papauté et après avoir préparé dans son audace ingénue une révolution religieuse plus redoutable encore peut-être par les dogmes nouveaux dont il a pris l’initiative.

Quelles seront maintenant les conséquences de cette disparition soudaine qui n’a pourtant rien d’imprévu ? comment Pie IX va-t-il être remplacé sur cette chaire de saint Pierre, qui n’est plus que le siège d’une puissance spirituelle ? quels seront les rapports du nouveau pape avec l’Italie et avec les autres nations catholiques, avec le monde ? C’est le problème qui commence pour l’Europe, qui vient s’ajouter à tant d’autres problèmes. Les derniers actes de Pie IX ont eu du moins cet heureux effet de simplifier jusqu’à un certain point la situation en facilitant, en favorisant la réunion du conclave à Rome. Si des oppositions se sont produites au premier instant, s’il y a eu quelque tentative pour transporter la délibération des cardinaux sur quelque point du monde qu’on ne désigne pas, ces résistances de quelques prélats étrangers ont dû céder devant la considération qui avait déjà retenu Pie IX. Où la papauté se trouverait-elle mieux qu’à Rome, auprès de cette « confession de saint Pierre » à laquelle s’attachait le vieux pontife ? À Malte, elle serait perdue au sein des mers, isolée et séparée du monde. À Miramar, puisque ce nom a été prononcé, elle ne serait qu’une étrangère, peut-être un embarras pour l’Autriche. Il n’y aurait eu d’hésitations possibles que si la liberté avait manqué à Rome, si les dispositions de l’Italie eussent été douteuses, si les rapports avaient été difficiles. Rien de semblable n’existe. Le gouvernement italien s’est hâté de prendre toutes les mesures pour assurer l’indépendance absolue du conclave sans se mêler à ses délibérations. Tout est simple à Rome, et en réalité la question est plus qu’à demi résolue par les premières relations qui se sont établies pour préparer la libre réunion des cardinaux.

Le conclave peut s’ouvrir, il s’ouvrira, dit-on, dans cinq jours. Qu’en sortira-t-il ? Il ne faut pas s’attendre sans doute à ces coups de théâtre qu’entrevoient déjà les imaginations trop vives, à une rupture plus violente avec l’Italie, à des manifestations de nature à remuer l’univers. Les partisans du bruit, de la politique absolue, des résolutions extrêmes, s’il y en a au conclave, subiront nécessairement la puissance de la réa-