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l’influence en économie politique sont, dit le savant professeur de Berlin, la liberté individuelle, la propriété avec le droit contractuel, l’hérédité et l’autorité des droits acquis. Les principes d’après lesquels se règlent ces institutions ne sont pas immuables ; ils sont soumis à des transformations et à un développement historiques. Les changemens dans les procédés techniques amènent presque toujours un changement dans les institutions juridiques ; ainsi le développement de l’industrie a fait naître tout un nouveau droit industriel. De même les modifications du droit conduisent à des modifications dans les procédés. M. Minghetti a donc pu dire avec, raison que toute grande période du progrès économique s’appuie sur un système juridique correspondant. Dans une étude approfondie de la liberté et de la propriété, M. Wagner montre l’influence décisive exercée sur la production, et plus encore sur la répartition de la richesse, par les formes différentes que l’histoire a successivement données à ces deux droits. On voit apparaître ici, principalement dans les détails des organisations agraires des différentes époques et des différens pays, les rapports intimes qui relient l’économie politique au droit. M. Wagner fait ressortir une vérité essentielle, mais généralement méconnue, c’est que la propriété n’est pas un droit présentant toujours des caractères identiques et pour ainsi dire nécessaires. Elle a varié en tout temps d’après le milieu social où elle était reconnue, d’après les procédés du travail et même d’après les objets auxquels elle s’applique[1]. Tant que les hommes vivent du produit de la chasse ou de leurs troupeaux et même tant que l’agriculture est essentiellement « extensive, » le sol appartient en commun à la tribu entière. A mesure que le mode d’exploitation se perfectionne, devient plus « intensif » et par suite exige l’emploi d’un plus grand capital, et qu’en même temps le bétail occupe moins de place dans l’économie rurale et la viande dans l’alimentation, la propriété privée s’étend successivement jusqu’à faire disparaître entièrement même les communaux, les communs des villages, et ainsi à ne rien laisser pour l’usagé collectif. Le bénéfice, le fief, la mense épiscopale, le domaine des Couvens, le colonat, la possession des mainmortables, la propriété, sous toutes ses formes, dans le régime féodal, a un caractère

  1. J’ai moi-même essayé de démontrer ce fait dans des études publiées ici même (Voyez les Formes primitives de la propriété). D’après les conseils de Stuart Mill, qui attachait une grande importance à ce point, je les ai réunies en volume en rassemblant tous les faits qui venaient à l’appui de ma thèse. Un banquier de Königsberg, qui trouve le temps d’écrire de bons livres, expose les mêmes idées dans un ouvrage récemment publié sous le titre de Privat-Eigenthum und geseltschaftliches Eigenthum (Propriété privée et propriété sociale).