Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 25.djvu/87

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pierres deux supports éloignés ; il devint le principal élément de leurs constructions. Elles se composent toujours d’une série d’arcs parallèles supportant les larges dalles du plafond. Quand l’espace à couvrir était trop grand pour la longueur des dalles ordinaires, on eut recours à la coupole. De là de grandes modifications dans l’art de bâtir : pour balancer l’effet de la poussée des arcs, il fallut établir des contre-forts, ces contre-forts qui sont si nombreux et quelquefois si élégans dans nos édifices du moyen âge ; de même, quand on voulut faire tenir une coupole sur un plan carré, on fut amené à trouver la forme des pendentifs sphériques qui sont le trait particulier du style qu’on appelle byzantin. Toutes ces inventions n’appartiennent pas entièrement aux artistes chrétiens, elles avaient été entrevues et essayées avant eux. Il y a des voûtes et des coupoles hardies dans les édifiées du second siècle, et M. de Vogüé montre qu’on peut trouver dans le petit monument élevé en l’honneur de l’empereur Probus le principe des pendentifs. L’art était donc entré dans les voies nouvelles avant le christianisme, mais on peut croire que par l’élan qu’il donna aux esprits il le fit marcher plus vite. Peut-être aurait-on sans lui hésité et tâtonné plus longtemps avant d’imaginer ces conceptions auxquelles il arriva presque d’un coup. Si l’on veut voir avec quelle rapidité le chemin fut parcouru et quels progrès on a faits en quelques années, il suffit de comparer les premières basiliques chrétiennes si timidement imitées de l’antique avec les coupoles élégantes et audacieuses des églises d’Ezra ou de Bostra.

Gardons-nous de croire que ces monumens ne soient curieux que pour un archéologue et qu’ils n’aient d’autre intérêt que de nous apprendre comment s’est formé l’art chrétien. Ce sont souvent des œuvres remarquables et qui font grand honneur aux artistes qui les ont exécutées. Pour qu’on puisse estimer ces artistes autant qu’ils le méritent, je demande à reproduire, malgré quelques détails un peu techniques, une page de M. de Vogüé où il apprécie leurs qualités et le caractère de leurs ouvrages : « Les architectes, dit-il, qui élevèrent les monumens innombrables de cette contrée appartenaient à la bonne tradition grecque, moins par les formes qu’ils ont adoptées que par les principes qu’ils appliquent. On ne retrouve plus dans leurs œuvres La délicatesse de goût ni l’exquise perfection de l’époque classique, mais on y constate l’esprit pratique, logique et sincère qui a inspiré les premières productions de la Grèce. Ennemis, eux aussi, de tout artifice de construction, rejetant l’emploi du mortier, ils demandaient aux lois de l’équilibre les conditions de solidité de leurs œuvres et le principe de leurs tracés ; s’ils empruntaient aux ordres grecs les motifs de leur décoration, s’ils prenaient en même temps aux Romains l’arc et la voûte, ils les