Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 25.djvu/860

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de 1876, tandis que le tonnage d’entrée du Havre n’a que doublé dans le même espace de temps et est passé seulement de 1 million à 2 millions de tonneaux.

D’après M. l’ingénieur Renaud, auteur du projet du canal du Havre à Tancarville, l’exécution de cet ouvrage permettrait de réduire de 2 francs par tonne le prix du fret de Paris au Havre, et cette simple économie suffirait pour assurer à ce dernier port la clientèle de tout le bassin de la Seine au détriment d’Anvers. Le port de Cette, dans le midi de la France, dans le nord Dunkerque, Gravelines, Calais, Lille, doivent aux canaux qui y aboutissent une partie de leur importance commerciale ou industrielle, de leur développement, de leurs relations toujours grandissantes ; qu’il en soit de même du Havre. Le canal projeté lui apportera certainement un ample fret de sortie, et nombre de navires ne seront plus obligés de quitter sur lest ses bassins et d’aller chercher à l’étranger des marchandises d’exportation. Rouen a fait une opposition unanime à ce projet de canal ; Harfleur, qui en bénéficiera, où le mouvement du port n’atteint pas du reste, nous l’avons dit, plus de 5,000 tonnes à l’entrée et à la sortie, voit au contraire ce projet de très bon œil ; Le Havre tout entier y applaudit. M. l’ingénieur en chef Bellot a déjà donné sur cette question un avis des mieux motivés. Le résultat des enquêtes a été des plus favorables aussi, et il faut espérer que le canal de navigation fluviale entre Le Havre et Tancarville sera enfin mis à exécution.

Il est impossible de traiter de la navigation de la Seine sans revenir sur l’éternelle question de Paris port de mer, qui intéresse au plus haut point le commerce intérieur de la France. Le tirant d’eau de la Seine, qui est actuellement de 2 mètres entre Paris et Rouen, doit être, ainsi qu’il a été dit, porté à 3m,20. Des navires d’un port effectif de 500 tonneaux pourront alors se rendre directement de Paris dans un port quelconque de France ou de l’étranger, et Paris réalisera les conditions d’un véritable port de mer ; c’est ainsi que la question doit s’entendre, et non pas par la création d’un canal maritime à grande section entre Paris et Le Havre, comme le voudraient quelques-uns. Sans doute un tel canal pourrait être exécuté ; aucune difficulté matérielle ne s’y oppose, et tout peut se faire en y sacrifiant les capitaux convenables ; mais ici les bénéfices de l’entreprise seraient trop restreints eu égard à l’énorme dépense nécessaire. Aussi n’est-ce pas du creusement d’un canal maritime qu’il s’agit, mais simplement de l’amélioration, de l’approfondissement de la Seine fluviale. Déjà des bateaux à vapeur vont directement de Paris à Londres et font un service régulier de marchandises entre ces deux ports, par la Seine, la Manche et la Tamise. Il y a plus, bien des personnes se rappellent encore qu’au mois de juin 1869 un petit