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mer y reste étale, comme dit le marin, ce qui signifie qu’elle conserve son niveau sans baisser sensiblement, tandis que partout ailleurs la marée montante, arrivée à son maximum de hauteur, est tout aussitôt suivie de la marée descendante. Le phénomène particulier que l’on vient de signaler paraît tenir autant à l’amplitude de l’estuaire de la Seine qu’à la disposition particulière du rivage de part et d’autre de l’embouchure. Quelle qu’en soit du reste la raison, ce phénomène existe, et il en résulte que, pendant plusieurs heures de la haute mer, les navires peuvent indifféremment entrer au Havre et en sortir, et qu’on peut impunément laisser ouvertes les portes et les écluses des bassins. La profondeur minimum de l’eau est alors de 8 mètres au-dessus des bas-fonds de la rade.

La surface totale des huit bassins à flot du Havre, — bassins du Roi, du Commerce, de la Barre, de la Floride, de Vauban, de l’Eure, des Docks, de la Citadelle, — : est de 53 hectares, et le développement des quais en longueur mesure plus de 8 kilomètres accessibles aux navires. Il faut compter en outre une surface de 11 hectares pour l’avant-port, lequel est bordé de plus de 1,600 mètres de quais, dont 654 seulement sont utilisés pour la manutention des marchandises. C’est en tout une surface d’eau de 64 hectares et près de 10 kilomètres de quais. La superficie totale utile de ceux-ci est de plus de 180,000 mètres carrés[1]. Il faut aller en Angleterre, ou bien à Anvers et à Hambourg, pour trouver un port mieux doté. Le Havre l’emporte sur Marseille au point de vue de la superficie des bassins et du développement linéaire ou superficiel des quais, alors que le tonnage du port de Marseille, c’est-à-dire la jauge des navires entrés et sortis, est notablement supérieur à celui du Havre.

Les docks du Havre sont disposés en forme de grandes halles, comme celles de gares de chemins de fer. Presque aussi vastes que les docks de Londres, ils occupent une surface de 23 hectares et peuvent contenir dans leurs magasins 150,000 tonnes de marchandises. Ici toutes les denrées du globe sont reçues, pesées, échantillonnées. Mieux encore que sur les quais, on peut dresser l’inventaire de tout ce que produisent les divers climats, les divers sols, le sous-sol. La grande nourricière, la nature, est représentée sous tous ses aspects, par les présens si variés qu’elle fait au labeur humain. Voici le coton des États-Unis, les bois de teinture des Antilles ou de l’Amérique du Sud, le café de Rio, le guano ou le salpêtre du Pérou, les laines et les peaux de La Plata, le riz de l’Inde, le tabac de Virginie, le sucre de La Havane, l’étain des Détroits, le zinc de

  1. Voyez l’intéressante étude publiée par M. Quînette de Rochemont, ingénieur des ponts et chaussées : Notice sur le port du Havre, Paris, Imprimerie nationale, 1873.