qu’il a faits ne nous échappe, nous voyons de quels élémens étrangers il s’est formé et comment il les a modifiés pour les accommoder à son génie, nous le suivons enfin pas à pas depuis ses origines jusqu’au jour où une invasion vint brusquement arrêter sa croissance.
On peut donc dire que les travaux de MM. de Vogüé et Waddington ont ce mérite de nous faire mieux connaître les transitions : et pour commencer par la première et la plus importante de toutes, il me semble que nous leur devons de saisir plus clairement comment se fit dans ces contrées le passage du paganisme aux croyances chrétiennes. Nulle part peut-être il ne dut être plus facile que là. Les inscriptions qu’on y a trouvées nous montrent que le paganisme y avait pris un caractère qui le rapprochait d’une manière sensible de la foi nouvelle. On y adorait sans doute, comme partout, un très grand nombre de dieux, mais leur personnalité y était devenue vague, leurs formes indécises, leurs contours moins précis, et ils tendaient de plus en plus à se confondre ensemble. C’étaient des attributs de la Divinité plutôt que des dieux véritables, et il était aisé de les faire rentrer les uns dans les autres pour recomposer l’unité divine. On sentait bien que cette sorte de monothéisme inconscient n’opposerait pas une très grande résistance à un monothéisme rigoureux. C’est ce qui est surtout remarquable dans les inscriptions religieuses de Palmyre, On y invoque d’ordinaire un dieu sans nom qu’on appelle le Bon ou le Clément. L’habitant de Palmyre qui veut demander la santé ou la fortune pour lui et les siens, ou qui remercie le ciel d’une faveur qu’il croit avoir reçue, élève un petit autel et y inscrit une prière qui commence toujours par ces mots : « Qu’il soit béni dans l’éternité, le Bon, le Miséricordieux ! » M. de Vogüé fait remarquer avec raison que cette formule convenait à tous les cultes et qu’ils pouvaient tous s’en accommoder. Le païen, en s’exprimant ainsi, croyait sans doute s’adresser à l’une de ses divinités ordinaires, au dieu-soleil Malakbel, ou à Baalsamin, le seigneur du monde ; il les désignait sous le nom de Miséricordieux, de Clément, comme à Rome on appelait Jupiter le Très-Bon et le Très-Grand (Optimus, Maximus). De son côté, le juif pouvait très bien abriter sous cette phrase générale une invocation au Dieu jaloux d’Israël. M était même à la rigueur permis aux chrétiens de l’employer sans scrupule, et l’on croit avoir la preuve qu’au besoin ils s’en sont servis. M. de Vogue a retrouvé un petit autel élevé en l’an 135 « à Celui qui est béni dans l’éternité » par Salmon, fils de Nésa, pour son salut et celui de ses enfans. Jusqu’ici rien ne distingue cette inscription des autres ; mais elle est encadrée des deux côtés par des signes qui ressemblent beaucoup au monogramme du Christ. Salmon était donc probablement un chrétien ; il se servait d’une formule païenne qui lui rappelait le Sit