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savoir choisir une escorte de gens résolus, de s’entendre avec les Arabes, de les gagner en les payant, ou de leur faire peur. Quand on savait qu’un de ces chefs puissans, en qui l’on pouvait avoir confiance, allait partir pour traverser le désert, tous les petits marchands se joignaient à lui, et au retour, s’il avait conduit la troupe au gré des voyageurs, s’il lui avait fait éviter les mauvaises rencontres, s’il s’était montré généreux pour les plus pauvres, qui avaient peine à payer le passage, on lui élevait une statue le long d’une grande rue ou sur quelque place de la ville, on inscrivait son nom et celui de ses parens sur le piédestal, et on y ajoutait les remercîmens de ses compagnons de route. Les statues n’existent plus, mais les inscriptions sont restées, et M. de Vogüé nous les fait connaître. On voit, en les lisant, que la prospérité de Palmyre commence avec l’ère chrétienne et qu’elle arrive à son apogée quand les Romains sont les maîtres de l’Asie. À ce moment, elle demande et obtient le titre de colonie romaine, dont elle se pare avec orgueil. Sous ce nom respecté, son commerce s’étend et se fortifie, et elle devient bientôt assez puissante pour tenir tête aux rois des Par thés.

C’est, du reste, ce qui est arrivé dans toute la Syrie centrale : quelques essais avaient été tentés pour la civiliser par les successeurs d’Alexandre ou les rois iduméens ; mais le succès ne fut complet que quand Rome se chargea de l’entreprise. La domination romaine est la même partout, elle se manifeste dans tous les pays par les mêmes bienfaits, et nous la retrouvons aux extrémités de l’Orient comme elle était dans la Gaule ou en Espagne ; mais là, Rome a été remplacée plus tard par des royautés puissantes qui ont en partie effacé ses traces : en Syrie, elle n’a pas eu de successeurs ; aussi semble-t-il qu’elle y soit restée plus vivante. On y voit mieux qu’ailleurs et par des preuves irrécusables ce qu’elle faisait pour les peuples qu’elle avait soumis. Profitons de l’occasion qui nous est offerte pour rappeler une fois de plus quels furent dans les provinces même les plus éloignées les effets de sa conquête.

La Syrie centrale, avant les Romains, n’avait jamais connu la paix. Elle était à la fois déchirée par des désordres intérieurs et sans défense contre les ennemis du dehors. Rome la délivra de ces deux fléaux : dès qu’elle en prit possession, elle imposa l’obéissance et la tranquillité à tout le monde ; elle força les tribus rivales qui l’habitaient à se respecter ; elle y établit, ce qui était encore inconnu dans ces contrées et ce qu’on n’y a pas revu depuis, un gouvernement ferme, intègre, vigilant. Une inscription copiée par M. Waddington montre combien les Romains avaient l’œil ouvert sur les moindres abus et le soin qu’ils prenaient de les réprimer. Il a trouvé dans les ruines d’une petite ville la lettre suivante que