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avait été créée avant le dénoûment des derniers conflits et qui survit à la crise. Elle existe, elle attire à elle l’immense dossier de la minorité, elle envoie des délégués en province. Que se propose-t-elle de faire ? Comment va-t-elle remplir son mandat ? La question n’est pas aussi simple qu’on le pense, puisque M. le président du conseil a cru devoir préparer un projet de loi précisément pour fixer la nature des rapports qui peuvent s’établir entre les commissions d’enquête parlementaire et les autorités administratives. Ce qu’il y a de plus étrange, c’est que la commission d’aujourd’hui reçoit les dossiers, non-seulement des députés invalidés, mais encore des députés validés eux-mêmes. Elle doit donc étendre son enquête jusqu’à des élections qui sont sorties de la discussion, qui ont été consacrées par un vote ! Elle va remuer dans un certain nombre d’arrondissemens toutes ces cendres encore chaudes d’une lutte qui ne demande qu’à s’éteindre. A quoi peut-elle arriver ? Si elle se borne à recueillir des dépositions, des commérages, elle n’aura réussi qu’à ajouter un rapport de plus aux rapports présentés tous les jours. Si elle veut pousser son œuvre à fond, au risque d’avoir des accusations à proposer, c’est l’inévitable et menaçant prélude de crises nouvelles. C’est une arme de guerre qu’on semble se ménager, qu’on charge en silence et que des mains imprudentes peuvent faire éclater lorsqu’on croyait le combat fini.

Tout cela est certainement sérieux, et c’est de plus une nouveauté dans la vie parlementaire de la France. Qu’on y prenne bien garde. Jusqu’ici les vérifications de pouvoir avaient un autre caractère. Elles avaient eu pour objet de constater les titres légaux des élus du pays, la régularité des opérations du scrutin, et lorsqu’il y avait des propositions d’invalidation, elles s’appuyaient sur des faits précis, déterminés, en dehors de toute considération de parti. Le droit d’invalidation et d’enquête existait alors comme maintenant, on en usait avec une extrême mesure. A vrai dire, dans tous les parlemens qui se sont succédé, les invalidations ont toujours été peu nombreuses. Aujourd’hui, elles prennent des proportions singulières, et elles affectent un caractère qui n’est point sans doute absolument systématique, mais qui peut passer pour assez exclusif. On parle de casser quarante élections du ton le plus léger du monde. La majorité républicaine de la chambre se rend-elle compte de ce qu’on lui fait faire ? Elle ne peut, elle ne doit pas s’y méprendre : elle crée un précédent redoutable. La fortune du scrutin, après tout, est changeante, et ceux qui dominent aujourd’hui peuvent être à leur tour une minorité, même après avoir usé de tous les moyens du pouvoir dans les élections. Que pourraient-ils dire si on tournait alors contre eux l’arme qu’ils auraient, pour ainsi dire, créée eux-mêmes ? Ils subiraient la loi du talion, — et la représaille, pour venir d’un autre côté, n’en vaudrait pas mieux. Les partis n’ont pas sans