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lecteurs de tout âge, et où l’on retrouvera tout l’humour et toute la fantaisie de ses anciennes productions.

La Morale familière va plus directement au but encore que les Histoires de mon parrain. Le livre se divise en deux parties, une partie de contes et de récits de courte haleine, tournant cette fois non au petit roman, mais à l’anecdote morale, à la parabole, à l’apologue à l’ancienne mode avec précepte à la fin ; une partie de conseils, de leçons, de caractères surtout, dont quelques-uns, — ceux du boudeur, du susceptible, du moqueur, — sont excellens, et mériteraient vraiment à l’auteur le titre de La Bruyère de l’enfance. Nous ne pouvons entrer dans l’analyse de chacun des chapitres de ce livre ; bornons-nous à en présenter l’esprit général. Il serait certes dommage que Stahl n’eût pas eu la pensée de s’occuper d’éducation, car il s’acquitte à merveille de cette tâche, témoin la parfaite lucidité avec laquelle il a su distinguer et mettre en relief la vertu qui est à la fois la base et le but de l’éducation, le respect. La fin de toute éducation en effet n’est-elle pas de nous apprendre à respecter, comme la fin de toute instruction est de nous apprendre à admirer, et ces deux mots ne comprennent-ils pas à eux seuls toute culture morale ? Stahl n’ignore pas que cette vieille vertu semble avoir perdu aujourd’hui beaucoup de son ancien prestige, et qu’elle est d’ordinaire regardée comme un reste suranné d’ancien régime, qui ne rencontre ses derniers adhérens que parmi les représentans des opinions conservatrices. Sans s’effrayer de ce mauvais renom cependant, il l’a mise au premier plan de sa morale familière, et en cela il a été bien inspiré par ses opinions démocratiques de longue date. Le respect en effet, qui est le fonds de toute morale sociale, est encore plus indispensable à une société démocratique qu’à toute autre, et doit y être d’un usage plus direct encore et plus étendu, car au lieu de s’attacher, comme autrefois, aux institutions même et aux rares personnes privilégiées qui les représentaient, il doit se généraliser comme la souveraineté nouvelle. A moins de ne jamais être que démagogie, turbulence intrigante ou anarchie féroce, sur quelle base une démocratie sérieuse pourrait-elle jamais s’établir, sinon sur le respect que l’homme doit à l’homme, respect sans lequel les trois mots qui composent ; la devise républicaine ne sont qu’illusion et mensonge ; car là où il n’est pas, la liberté reste sans garanties contre la fraude, et l’égalité est à chaque instant rompue au profit de la violence et de la grossièreté. L’ancienne société avait au moins un avantage sur notre nouvelle démocratie, c’est qu’elle avait vécu de longs siècles, et que par conséquent elle avait eu le temps de créer au grand complet son code de morale sociale, depuis les lois qui