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monarchie de ce feu révolutionnaire dont l’élection de Grégoire, le crime du 13 février, étaient les symptômes ; mais ils ne voyaient pas à leur tour qu’en se laissant trop aller à leurs alarmes, en s’éloignant des libéraux modérés pour se tourner vers la droite, ils abdiquaient leur rôle, ils se remettaient à la merci des « ultras. » Les uns et les autres, en se séparant, n’arrivaient qu’à s’annuler, à porter un contingent de plus dans deux coalitions ennemies placées face à face avec leurs passions extrêmes, leurs divisions et leurs incohérences. « Si nous sommes divisés, écrivait Froc de La Boulaye à De Serre, nos adversaires le sont aussi : les républicains, les bonapartistes servent sous les mêmes drapeaux, et si Camille (Jordan) et Royer ne les désertent pas, pourquoi veulent-ils que nous en désertions d’autres ? .. » C’est l’histoire invariable. Le centre droit dit au centre gauche : Séparez-vous des révolutionnaires ! Le centre gauche dit au centre droit : Séparez-vous des ultras de réaction ! Pendant que le dialogue se poursuit, les incidens se succèdent, on s’irrite, on s’aigrit, les vieux fermens s’en mêlent. « On tient pour Marius ou pour Sylla parce qu’on a jadis servi sous leurs drapeaux. » Ce qui pouvait être la force modératrice se dissout, il ne reste plus que les deux camps ennemis, — et vainement alors un homme tel que Royer-Collard, invoquant « l’ancienne majorité, » la majorité de la politique bienfaisante des quatre ans, s’écrie : « Que cette majorité sorte de ses ruines ! qu’elle se montre à la France qui la cherche, qu’elle s’élève et qu’elle élève le gouvernement avec elle au-dessus des partis ! .. » L’appel, si éloquent qu’il soit, va se perdre dans les implacables divisions des partis.

C’était l’histoire de 1820, de cette crise de trois mois qui, une fois déchaînée, allait en se compliquant par degré d’émotions publiques, d’orages parlementaires, de scissions éclatantes et d’amitiés brisées. Qu’arrivait-il en effet ? Dès les premiers momens, la lutte s’engageait autour de ces lois sur la liberté individuelle, sur la censure des journaux, sur les élections, qui avaient le malheur de ressembler à une œuvre de colère, de réaction effarée, et qui devenaient fatalement comme les étapes successives d’une agitation grandissante. Chaque jour désormais amenait de nouvelles péripéties, des explications qui n’expliquaient rien et qui envenimaient tout. Le moindre incident passionnait et troublait une chambre profondément divisée où la majorité ne tenait qu’à un déplacement de quelques voix. C’était une campagne complète, une série de batailles rangées ou de vives escarmouches en plein parlement.

La loi sur la liberté individuelle offrait l’occasion du premier choc sérieux : aussitôt se dessinait cette violente et périlleuse situation. Il était bien clair qu’il s’agissait moins de ce que disait une