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pas de son chemin, imperturbable comme ces géans de pierre que sa main créa.


III. — LE SAC DE ROME. — MUCGEK-ANGE AU SIEGE DE FLORENCE.

Après Léon X, Clément VII, encore un Médicis, mais dépourvu de toute grandeur d’âme et de tout génie, n’ayant de sa famille que les vues intéressées, en un mot, celui-là même qui des hauteurs du château Saint-Ange assista dans sa rage impuissante au spectacle du sac de Rome par les Espagnols et les Allemands de Charles-Quint. Ce n’était point assez des attentats commis sur les habitans, l’art aussi eut ses massacres : des merveilles d’or et d’argent fondues, les monumens mutilés, les collections dévastées, tous les objets précieux, toutes les valeurs au pillage ! Les salles du Vatican peintes par Raphaël furent incendiées, et les figures que la flamme épargnait, les soldats leur crevaient les yeux à coups de pertuisane ! À vingt ans de là (trente ans après la mort de Raphaël), Titien, visitant Rome et voyant l’œuvre de restauration infligée à ces travaux : « Quel odieux gâcheur a fait cela ? » s’écria-t-il. Clément essaya d’abord de se défendre. Il faut lire dans les Mémoires de Cellini le vivant tableau de ce qui se passa au fort Saint-Ange. La population houleuse, prise d’effarement à l’aspect de l’avant-garde ennemie. Sur les créneaux de la citadelle se tient le pape, et près de lui Benvenuto Cellini épaulant son arquebuse qu’il dirige contre les impériaux. Tantôt nous assistâmes au sauvetage des joyaux sacrés qu’il arrache de la tiare et coud dans la doublure des vêtemens du pape ; et maintenant vite aux fourneaux qu’on improvise pour fondre l’or en lingot ! Cependant les vivres viennent à manquer ; courage ! On aperçoit au loin le duc d’Urbin ; hélas ! triste confédéré qui se retire sans coup férir ! Le pape se rend prisonnier ; sa bannière tombe, et les Espagnols arborent les couleurs de leur maître, — Au cours de ces événemens, Michel-Ange était à Florence, où régnait un mécontentement général que des émeutes intermittentes faisaient passer de l’état chronique à l’état aigu ; la nouvelle de la prise de Rome met le feu aux poudres, on chasse les Médicis, la république est rétablie. C’était compter sans la réconciliation du pape avec l’empereur devenus en peu de temps les meilleurs amis du monde. Vainement l’intérêt de l’Italie et la politique de ses prédécesseurs conseillaient la résistance, Clément VII courba la tête et se soumit. Ce même Clément VII, qui n’a pas d’ennemi plus cruel que Charles-Quint, lui fait la cour pour pouvoir placer Alexandre de Médicis à Florence, et Charles-Quint donne sa fille à ce bâtard du pape. Le Médicis ne voyait que Florence, et