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RAPHAËL ET MICHEL-ANGE
LEUR VIE MONDAINE ET POLITIQUE
LEURS POÉSIES ET LEURS AMOURS


C’est surtout dans les époques de transition, de préparation, dans les demi-crépuscules, que la pensée aime à se reporter vers les colosses du passé. On n’en aura jamais fini avec la renaissance ; de quelque côté qu’on y regarde se montre une figure qui vous attire et vous retient sous le charme. Dans cet océan de vie, où tant de forces et d’électricités fermentent et se combattent, où tant de romanesques destinées tourbillonnent, vous n’avez qu’à jeter au hasard vos filets, ce sera toujours la pêche miraculeuse, et vous retrouverez l’anneau de Polycrate dans le ventre de tous les poisse. Il semble que l’âge précédent ait ignoré cette variété, ce pittoresque ; les physionomies s’accusent et s’enlèvent violemment, une fois pour toutes dégagées de ces rigidités monotones, de ces plis funèbres qui leur donnaient je ne sais quel air de famille avec ces saints de pierre agenouillés, les mains jointes, sur les tombeaux. Au contact de l’antiquité, l’homme ressaisit toutes ses énergies, se sent renaître. Il s’en faut cependant que la même abondance d’individualité se retrouve chez les femmes. Elle existe peut-être, mais l’intérêt est d’aller à la découverte. Un ingénieux écrivain allemand, M. Karl Frenzel, parlant de Lucrezia Donati dans son récent ouvrage sur la renaissance[1], mentionne qu’on ne la connaît « que par son bouquet de violettes, » charmante renommée au demeurant, et que bien des héroïnes trop fameuses échangeraient volontiers, je suppose, contre la leur. Il vaut mieux, après tout,

  1. Renaissance, von Karl Frenzel, p. 33.