Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 25.djvu/476

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est-elle de nature à modifier sensiblement la situation intérieure et extérieure de l’Italie ? Les premières déclarations du nouveau roi qui était hier encore le prince Humbert sont comme un acte émouvant de fidélité à la mémoire de son glorieux père. En proclamant la pensée qui l’anime dans le deuil de son avènement, en se montrant résolu à suivre les exemples de celui qui a fait l’Italie, le jeune roi Humbert ne peut évidemment scinder ces exemples, au risque d’ébranler ou d’aventurer l’œuvre donc il est maintenant le gardien couronné. Son esprit formé, à côté de son père, à toutes les préoccupations du règne, n’en est point à se fixer sur la vraie direction des affaires italiennes. C’est une puérilité des plus prétentieuses et des plus périlleuses de se jeter aussitôt dans toutes les interprétations et toutes les conjectures, de chercher le signe de toutes sortes d’évolutions dans les prétendues préférences d’un prince, dans le voyage d’un autre prince. La politique ne subit pas apparemment d’un jour à l’autre de ces variations. Les rapports entre les peuples ne sont pas une œuvre de fantaisie ; ils sont une chose plus compliquée, ils résultent d’une multitude de causes profondes, des affinités, des intérêts, des traditions qu’on ne violente pas sans danger.

La France, quant à elle, ne peut avoir aujourd’hui comme hier que des relations simples, naturelles, faciles avec l’Italie parce que ces relations reposent précisément sur ces affinités et ces intérêts qui, à défaut des alliances formées pour un objet déterminé, créent des habitudes durables de cordialité. S’il y a eu parfois des ombrages, — et dans tous les cas il ne faudrait ni les exagérer ni leur offrir des prétextes, — ils n’existent plus, ils ne peuvent plus exister, ils n’ont été et n’ont pu être que très factices. Entre l’Italie devenue une nation et la France qui l’a aidée à le devenir, quand il y avait encore en Europe tant de doutes et même tant d’hostilités contre la puissance nouvelle, il n’y a que des raisons permanentes d’intimité, pas une raison de mésintelligence sérieuse. Ce que le dernier roi sentait avec son âme cordiale pleine des souvenirs de notre alliance et d’une généreuse confraternité d’armes est dans l’héritage de la couronne d’Italie une de ces traditions que le nouveau souverain voudra continuer. Le gouvernement français a justement tenu à rendre ses devoirs à ce roi qui vient de mourir et à son jeune successeur, en se faisant l’organe des sentimens de notre pays. Il a certes obéi aux convenances les plus sérieuses et de plus à un esprit d’impartialité supérieure en envoyant, pour représenter la France aux obsèques de Victor-Emmanuel, M. le maréchal Canrobert, le vaillant soldat de 1859, celui-là même qui, arrivé un des premiers au-delà des Alpes, contribuait à préserver Turin d’une irruption autrichienne. Ce choix, désiré, à ce qu’il semble, par le roi Humbert lui-même, sanctionné avec empressement par le ministère