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l’écusson de Savoie brillait désormais entre les couleurs italiennes. Ayant à opter dès le premier jour entre un retour vers l’absolutisme, qui eût été peut-être facile sous la protection de l’Autriche, et tous les intérêts d’avenir du Piémont, de l’Italie, il n’avait point hésité, il avait fait son choix. Victor-Emmanuel était devenu résolument, sans arrière-pensée, un roi national, libéral, acceptant toutes les conditions du régime nouveau, toutes les conséquences d’une politique qui devait sans doute créer une situation difficile au Piémont, mais qui lui donnait aussi l’honneur des vaillantes initiatives. C’est avec son appui que Cavour pouvait mettre la main à une vaste réforme intérieure et se livrer à ces combinaisons qui allaient ramener le petit royaume sarde dans les conseils de l’Europe en passant par la Crimée et en attendant les champs de bataille de la Lombardie. C’est à l’abri de son nom que la reconstitution d’une armée a pu être entreprise par ce digne La Marmora, qui n’a précédé son roi que de quelques jours au tombeau, par cet intrépide soldat, modèle du vieil honneur piémontais, de fidélité chevaleresque et de dévoûment à son pays. En réalité tout est là, dans ces commencemens, dans ces dix années qui vont de 1850 à 1860 ; tout est dans ce premier choix qu’avait fait Victor-Emmanuel en identifiant sans réserve ses intérêts dynastiques avec l’intérêt national, avec une politique qui devait conduire le Piémont à des destinées imprévues.

Si au moment décisif les événemens ont marché si vite, s’ils se sont déroulés avec une impétuosité qui a plus d’une fois déjoué tous les calculs, c’est qu’ils étaient préparés par des hommes qui, sans tout prévoir, savaient mettre la fortune pour eux. C’est bien évident : cette étrange et immense révolution d’où est sortie l’unité de l’Italie ne se serait pas réalisée si facilement et si complètement, si elle n’avait été qu’une œuvre de révolutionnaires et de conspirateurs. Elle n’a été sérieusement possible que parce qu’au lieu d’être un vaste désordre, elle a eu aussitôt son gouvernement, son administration, sa diplomatie, son armée et son roi. Elle n’a marché de succès en succès que parce qu’il y avait un petit pays formé à son rôle de guide et de modérateur, préparé à être le noyau de toutes les agrégations, le cadre de la grande réorganisation nationale, parce qu’il se trouvait là une maison royale séculaire, adoptant cette révolution à mesure qu’elle s’accomplissait, la représentant devant l’Europe, lui imprimant à chaque pas le sceau d’un mouvement définitif et irrévocable. Le jour est venu où le roi de Sardaigne a été le roi d’Italie par la décomposition de tous les pouvoirs devant l’idée nationale, où la capitale du nouveau royaume s’est trouvée transportée de Turin à Florence, puis de Florence à Rome : les événemens extérieurs y ont aidé sans contredit, la confusion et la violence des rivalités européennes ont offert plus d’une occasion, la hardiesse n’a pas manqué,. — et tout a été fini ! On a eu le dernier mot de cette