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REVUE LITTERAIRE

UN ROMAN DE MOEURS

Le Nabab, par M. Alphonse Daudet[1]

Parmi les jeunes romanciers contemporains, M. Alphonse Daudet est celui auquel le succès a réservé ses meilleurs sourires et ses plus belles fêtes. Il peut dire comme la Béatrice de Shakspeare : « Le jour de ma naissance, une étoile dansait au ciel. » Depuis ses débuts, cette claire étoile de la bonne fortune s’est rarement éclipsée. Ses vers d’adolescent ont eu une notoriété que le public ne prodigue guère aux jeunes poètes, et ses triolets sur les Prunes sont restés populaires. Ses fantaisies et ses contes, publiés çà et là dans des journaux quotidiens, ont survécu aux feuilles où ils paraissaient au jour le jour, et sa première œuvre de longue haleine, Fromont jeune et Risler aîné, a été un des événemens littéraires de ces dernières années. Il est vrai que son second roman, Jack, n’a pas eu tout à fait la même chaleureuse bienvenue, mais cette froideur était due beaucoup moins à l’infériorité de l’œuvre qu’à l’antipathie du gros des lecteurs pour les romans tristes et qui finissent mal. D’ailleurs, dans l’accueil fait aujourd’hui au Nabab, il y a amplement de quoi dédommager M. Daudet de l’insuccès relatif de Jack ; la claire étoile qu’il a eue pour marraine s’est remise à scintiller en plein ciel, et jamais son éclat n’a été plus vif. Publié au milieu d’une crise politique, à une heure d’inquiétude et de malaise, le Nabab a triomphé des préoccupations générales ; tout le monde a voulu le lire, et l’Europe entière connaît ce roman, dont les éditions s’épuisent avec une étonnante rapidité.

  1. 4 vol. in-18 ; Charpentier.