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siècle, de riches provinces qui puisent en elles-mêmes tous les élémens de leur prospérité. Mais ces provinces, objectera-t-on, ne seront-elles pas toujours isolées dans l’hémisphère austral, en dehors des grandes voies maritimes de l’Europe et de l’extrême Orient, séparées du reste du monde par l’Océan ou par les vastes déserts d’un continent que l’on croyait impénétrable il y a peu d’années encore ? Il ne faut pas trop s’en inquiéter, car les découvertes géographiques récentes ont bien modifié la situation. On s’en rendra compte rien qu’à jeter les yeux sur une carte nouvelle de l’Afrique. L’équateur passe à peu près par le milieu de la distance entre le Cap et la Méditerranée ; sous l’équateur s’étalent les grands lacs où le Nil prend sa source et que les bateaux européens sillonneront bientôt, dit-on ; on y arrive par des chemins bien connus, dont Khartoum, Gondokoro, sont les principales étapes. Pourquoi l’autre moitié du parcours ne s’ouvrirait-elle pas de même aux voyageurs ? Au sud, le pays est moins malsain, les tribus sont moins farouches. Le domaine de la Grande-Bretagne commence de ce côté par le Transvaal que l’on nous dépeint comme une terre promise. Il ne faut pas désespérer d’apprendre dans quelque temps qu’il y a, du Caire au Cap, une route, un télégraphe, que l’on s’occupe d’y tracer un chemin de fer.

En résumé, ce groupe d’établissemens, que la Grande-Bretagne s’est appropriés ou qu’elle a créés à l’extrémité méridionale de l’Afrique, marche à grands pas dans la voie du progrès. Cependant il a peu d’analogie avec les colonies mieux connues de l’Inde, de l’Australie, du Canada. Il a fallu y appliquer d’autres principes, se servir d’autres procédés de gouvernement. La fusion des races s’y imposait comme une nécessité. Après bien des péripéties, le résultat sera, suivant toute vraisemblance, une confédération, partie d’Européens, partie d’indigènes, vivant tous sous les mêmes lois, se gouvernant eux-mêmes, n’admettant l’autorité de la métropole qu’à titre d’arbitre suprême dans les conflits intérieurs. Une telle organisation politique offre-t-elle des chances de durée dans un pays où l’élément natif est prépondérant par le nombre ? C’est le secret de l’avenir. La Grande-Bretagne possède tant de dépendances d’outre-mer qu’elle serait incapable, le voulût-elle, de leur fournir à toutes des administrateurs, des soldats, des subsides. Ce sont des enfans qu’elle élève, chacun suivant les dispositions qu’il montre, et qu’elle émancipe au plus vite afin de ne plus être responsable de la conduite qu’ils tiendront dans le monde.


H. BLERZY.