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chacun vivait à sa guise et que les habitans du Transvaal s’abstenaient d’entrer en relations avec leurs compatriotes du sud. Du vivant de Pretorius, il y avait presque trois provinces séparées, les fermiers se groupant autour de trois petites villes, Potchefstrom, Leydenburg, Zoutpansberg, les seules agglomérations qu’il y eût dans le pays. Lorsqu’il mourut, en 1853, son fils, qui fut élu président, s’efforça de rendre plus d’unité à la république. C’était nécessaire pour résister aux attaques des tribus que les boers avaient exaspérées. Bien que l’on connaisse peu ce qui se passait alors dans ce pays, on en raconte des tragédies épouvantables. Ainsi, un jour, — c’était en 1854, — Hermann Potgieter, un frère du Potgieter qui avait été l’un des conducteurs de l’exode des burghers, fut mis à mort avec plusieurs de ses compagnons par Makapan, chef d’une tribu indigène. Il paraît que ce Potgieter se livrait d’habitude à la chasse des éléphans et des autruches et que par occasion il enlevait les enfans pour les vendre aux colons de la baie de Lagoa. A la nouvelle de ce massacre, Pretorius partit en guerre avec 500 fermiers de Zoutpansberg et de Leydenburg contre les agresseurs. Exaspéré par les cruautés dont les cadavres des victimes portaient la trace, — Potgieter avait été écorché vif, dit-on, — ils assiégèrent les Cafres qui s’étaient réfugiés dans des cavernes. Tout ce qui essayait d’en sortir, hommes, femmes ou enfans, fut mis à mort sans pitié. La tribu étant anéantie, la paix se rétablit sur cette frontière pour plusieurs années ; mais qu’en devaient penser les autres tribus auxquelles cette épouvantable catastrophe était connue ?

Il y avait peu de sympathie entre le Transvaal et l’état d’Orange, sans doute parce que les fermiers établis au sud du Vaal jugeaient leurs voisins du nord trop rudes ou trop indisciplinés. Cependant en 1859 les fermiers de l’Orange élurent Pretorius pour président de leur république. Il aurait voulu profiter de la circonstance pour réunir les deux états en un seul. Les burghers ne s’y prêtèrent pas ; de plus le gouverneur du Cap, apprenant qu’il était question de cette union, déclara que la Grande-Bretagne la considérerait comme une atteinte aux conventions de 1852 avec le Transvaal et de 1854 avec l’Orange. Pretorius revint alors dans le Transvaal où l’anarchie régnait depuis son départ. Élu de nouveau président, il rétablit l’ordre ; ensuite, il voulut régler avec ses voisins les frontières de l’état dont il était le chef. Cette fois encore, le gouvernement britannique lui fit sentir qu’il avait tort de se croire tout à fait indépendant. Il n’importait guère aux Anglais que les boers prétendissent se donner pour limite le lac Ngami ou des rivières plus ou moins connues de l’intérieur des terres ; mais, lorsqu’ils manifestèrent l’intention de s’approprier à l’est un territoire qui leur