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Puisque nous avons exposé quelles difficultés fait naître la trop grande sensibilité du téléphone, nous devons aussi indiquer quels sont les moyens qui permettent d’obvier à ces difficultés dans une certaine mesure. Il suffit en effet, pour détruire les actions perturbatrices des lignes étrangères, de fermer le circuit téléphonique par un fil spécial de retour, parallèle au premier sur toute sa longueur, au lieu de le fermer par une communication à la terre, comme on le fait toujours en télégraphie. De la sorte, les courans induits prennent naissance à la fois sur deux fils dont les modes d’action sont inverses, et le résultat final est le même que si ces courans n’existaient pas.

Le rôle pratique du téléphone de Bell peut facilement se déduire des considérations qui précèdent. Pour toutes les distances n’excédant pas 150.mètres, le tube acoustique ordinaire sera toujours préférable, puisqu’il permettra d’entendre la voix avec une bien plus grande intensité. Pour toutes les distances excédant 150 mètres, si les appareils extrêmes peuvent se placer dans des lieux où règne un certain silence, le téléphone présentera sur les anciens appareils électriques l’avantage immense de pouvoir être manié par tout le monde, puisqu’il suffit en effet d’écouter ou de parler pour recevoir ou transmettre. Il permettra en outre de reconnaître un interlocuteur au timbre de sa voix, ce qui constitue la qualité la plus précieuse et la plus étonnante, du nouvel appareil. Disons pourtant que ce timbre est quelque peu modifié et que les sons paraissent légèrement éteints et nasillards. Ils sont comme un reflet des sons véritables, et l’on peut justement les comparer à l’image d’une personne vue dans une glace sans tain. Les contours sont mal définis et mêlés de figures étrangères, mais on ne peut hésiter néanmoins à reconnaître que c’est de telle ou telle personne qu’on aperçoit le reflet.

Il serait injuste de reprocher à l’invention du professeur Bell de ne pas reproduire la voix avec toute la puissance qui serait désirable pour que son instrument pût rivaliser avec le tube acoustique. Le but atteint semblait, il y a peu de mois encore, tellement insaisissable, tellement au-dessus des espérances les plus hardies, que notre admiration ne doit pas rester moins profonde ; il est pourtant permis de croire que c’est là seulement un premier pas pour la téléphonie.

Lorsque deux diapasons identiques sont reliés entre eux par un fil tendu et fixé par chacune de ses extrémités à une de leurs branches, si l’on vient à faire vibrer l’un d’eux, l’autre entre également en vibration. C’est là un téléphone musical, qui n’est, pour ainsi dire, qu’un cas particulier de celui qui se compose de deux cornets, dont il a été parlé au début de cette notice. Comme ce dernier, et pour les mêmes raisons, il est limité dans sa portée effective. Mais, si au lieu de se servir d’un fil rigide pour transmettre les vibrations, on se sert de procédés électriques, la portée du son n’a plus de limites.