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vaincus, c’est d’avoir dégagé la situation de l’équivoque qui pesait il y a un an encore sur la nature des institutions, sur les rapports des pouvoirs, qui a rendu jusqu’à un certain point les 16 mai possibles. Elle a créé en quelque sorte un ordre nouveau, où, si on le veut, tout peut être simplifié, où, la république n’étant plus en question, un gouvernement régulier, sensé, sérieusement constitutionnel, peut remplir plus à l’aise tout son devoir libéral et conservateur. C’est là précisément le caractère et c’est à coup sûr la pensée du cabinet formé sous les auspices de M. Dufaure, de ce vieux serviteur public qui a eu la bonne fortune de se trouver au moment voulu l’homme le mieux fait pour réconcilier les pouvoirs, pour représenter aux yeux du pays la légalité raffermie, la paix intérieure assurée. Tel qu’il est, avec M. de Marcère, M. Bardoux, M. Waddington, M. Léon Say, M. Teisserenc de Bort, M. le général Borel, sous la présidence de M. Dufaure, ce ministère est évidemment l’œuvre des circonstances et de la situation. Il a été créé pour être au pouvoir la concentration vivante, l’expression modérée et sérieuse de toutes les nuances régulières d’une majorité attachée à la république. Le ministère, dans la pensée bien naturelle d’étendre son action parlementaire, a même tenu à se compléter par tout un ensemble de sous-secrétaires d’état choisis dans la chambre. Ainsi, auprès de M. Léon Say, aux finances, on a placé M. Cochery, qui a été plusieurs fois rapporteur du budget. Auprès de M. Bardoux, à l’instruction publique, est entré M. Jean Casimir-Perier, que son nom désigne aux affaires, qui a d’illustres traces à suivre. Le lieutenant de M. de Marcère au ministère de l’intérieur est un député de l’union républicaine, M. Lepère, que l’administration éclairera. M. le garde des sceaux, M. Dufaure lui-même, s’est attaché comme sous-secretaire d’état M. Savary, un des jeunes constitutionnels qui n’ont point hésité à chercher dans une république conservatrice la garantie des libertés parlementaires et un abri contre les réactions césariennes. Jusqu’à quel point l’esprit qui a dicté tous ces choix répondra-t-il à la destination utile des sous-secrétaireries d’état, c’est une autre question. Il est évident que, pour le moment, c’est encore une combinaison toute parlementaire qui peut avoir une certaine incohérence, mais qui peut aussi par l’expérience prendre une cohésion sérieuse, devenir un élément de consistance et de force.

L’essentiel maintenant pour le ministère créé et complété, c’est de vivre, de marcher, de montrer qu’avec la bonne volonté il a la résolution, la vue ferme des choses et l’autorité. Il le peut d’autant plus aisément qu’il a désormais une complète liberté d’action, qu’il est maître de ses mouvemens, de ses choix, de la direction qu’il croit utile d’imprimer à la politique et à l’administration du pays. Ce n’est pas M. le maréchal de Mac-Mahon qui paraît le gêner ; le chef de l’état semblerait plutôt, dit-on, se désintéresser un peu trop des affaires, et l’irresponsabilité constitutionnelle n’exclut point, certainement pour lui le