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hommes les plus indépendans par le caractère comme par la position. Maîtresses d’elles-mêmes, libres de toutes leurs démarches et de toutes leurs alliances, vivant de leur propre vie et de leurs propres ressources, les académies de la province ne se laissent pas facilement enchaîner et séduire. Elles ont toujours été de petites républiques dans la grande république des lettres, même sous une monarchie ; elles ne cesseront pas de l’être sous un gouvernement républicain. Je m’imagine donc que, tout en gardant leur liberté, elles entreraient plus volontiers dans une alliance où la politique et les influences administratives ne seraient rien, où les intérêts de la science seraient tout. Je comprends bien que tous les ministres, en les engageant à venir à eux, en leur promettant aide et protection, prennent tant de soin de les rassurer au sujet de leur indépendance ; mais, à l’égard de l’Institut, elles ne sauraient avoir les mêmes alarmes. Il ne s’agit pas d’un vasselage, mais d’une coopération toute volontaire qui n’enlève rien à l’originalité de leurs propres travaux, tout en les appelant à prendre librement part à une œuvre et à des recherches communes.

D’un autre côté, je ne pense pas que l’Institut puisse se refuser à une tâche qui est vraiment la sienne. Il ne peut pas ne pas faire un accueil sympathique et empressé à ces académies formées sur son modèle, issues d’une même origine, tendant au même but. D’ailleurs, des liens particuliers de reconnaissance n’unissent-ils pas un grand nombre de ses membres aux sociétés savantes où ils ont débuté et qui leur ont, pour ainsi dire, servi de berceau ? Montesquieu disait, dans un discours de rentrée à l’académie de Bordeaux : « Qu’on se défasse surtout de ce préjugé que la province n’est point en état de perfectionner les sciences, et que ce n’est que dans les capitales que les académies peuvent se former. Ce n’est pas du moins l’idée que nous en ont donnée les poètes, qui semblent n’avoir placé les Muses dans le silence des bois que pour nous faire sentir que ces divinités tranquilles se plaisent rarement dans le bruit et dans le tumulte. »

S’il était nécessaire, ce que nous ne pensons pas, de combattre encore aujourd’hui ce même préjugé, nous pourrions ajouter bien des preuves aux argumens un peu trop poétiques de Montesquieu, sans dédaigner l’avantage du calme sur l’agitation parisienne.

Il ne suffit pas de montrer que les sociétés savantes des départemens ne sont pas indignes d’entrer en rapport avec l’Institut, il faut au moins indiquer quels seraient les conditions et les liens de cette confédération entre Paris et la province. D’abord nous ne voudrions pas d’une adoption en masse, à l’exemple de l’Institut des provinces ou du Comité historique, des deux ou trois cents sociétés savantes qui sont en France ; il faut tenir compte du degré