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qu’ils aimaient mieux suspendre leur publication que de se soumettre à la censure préventive. Le ministre des colonies leur donna raison. L’autorité du gouverneur restait toutefois omnipotente, puisqu’un appel au ministre en était le seul frein. En 1825, fut institué un conseil exécutif, composé de fonctionnaires, il est vrai, que l’on devait consulter sur toutes les questions importantes. De 1827 datent la cour suprême et le jugement par jury. Enfin en 1834 survient l’abolition de l’esclavage, qui efface en théorie toute distinction sociale entre les hommes de races différentes ; puis, la même année, le conseil exécutif est remplacé par un conseil législatif, investi du droit de légiférer en toutes les matières que le parlement de la métropole a laissées indécises ou ne s’est pas réservées par un acte formel. En cet état, l’Afrique australe était ce que l’on appelle encore aujourd’hui une colonie de la couronne, ce qui veut dire que les représentans de la reine y exercent une autorité prépondérante. Dans un tel conseil, les débats peuvent porter sur toutes les questions d’intérêt public, la discussion est libre ; mais les législateurs sont pour moitié des fonctionnaires et pour l’autre moitié des citoyens choisis par le gouverneur lui-même. Le rôle des assemblées de ce genre, dont les membres ne reçoivent pas leur mandat par le libre suffrage de leurs concitoyens, n’est pas toutefois aussi restreint qu’on pourrait le supposer. Elles consacrent volontiers le produit des impôts à l’entretien des routes ou à d’autres entreprises d’une utilité générale ; elles habituent l’esprit public aux formes du gouvernement parlementaire.

A peine les colons eurent-ils éprouvé ce que c’est qu’une assemblée délibérante qu’ils pétitionnèrent pour obtenir que les membres en fussent désormais nommés à l’élection. Le gouverneur, sir G. Napier, avait transmis ces pétitions à la reine en les appuyant d’un avis favorable. A Londres, le ministre des colonies, lord Stanley (depuis lord Derby) fut moins facile à convaincre ; non pas qu’il niât les avantages de l’élection, mais il y voyait de sérieux obstacles. D’une part en effet, le territoire était si vaste, les voyages si lents, les plus riches habitans si occupés par leurs exploitations pastorales ou agricoles, ou si menacés par les déprédations des tribus limitrophes, que peu de gens semblaient en position d’accepter le mandat législatif avec l’obligation d’un séjour plus ou moins prolongé à Cape-Town. D’autre part, comment assigner à chaque race la juste part d’influence qu’elle méritait ? Il y avait alors dans la colonie des Anglais peu nombreux, mais les premiers sous le rapport de l’instruction et de l’activité ; des Hollandais adonnés à la vie patriarcale des vastes solitudes, par conséquent réfractaires aux idées nouvelles ; des indigènes ardens, comme les Cafres, ou déprimés, comme les Fingoes, par l’habitude d’une longue servitude. Que les