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à Graham’s-Town, sur la frontière orientale, attendait son successeur. Il refusa d’écouter Pretorius ; bien plus il ne voulut pas lui accorder une entrevue. Celui-ci, blessé d’une telle marque de mépris, ne repartit qu’après avoir adressé ses plaintes à la presse locale. « Où était le gouvernement, disait-il, lorsque nous avons été massacrés par des tribus barbares ? N’étions-nous pas déjà ses sujets lorsqu’il nous a opprimés au point que nous dûmes quitter la terre où nous étions nés ? On nous objecte que nous l’avons fait de notre plein gré. C’est vrai, et les émigrans ne s’en seraient pas repentis s’ils étaient restés libres de se choisir eux-mêmes un protecteur. Comment se fait-il que depuis l’arrivée des soldats anglais à Natal la population ne se soit pas accrue d’un seul Hollandais ? C’est que la protection telle que l’entend sa gracieuse majesté est synonyme d’oppression. J’ai fait inutilement un long voyage. Je retourne vers mes concitoyens sans avoir même entrevu le chef de la colonie. On ne verra le mal que lorsqu’il sera trop tard pour y porter remède. »

Le successeur de sir H. Pottingerfut sir Harry Smith, bien connu des vieux colons grâce à l’énergie qu’il avait déployée pendant un premier séjour dans l’Afrique australe. Treize ans auparavant, lorsque éclatait l’insurrection cafre de 1834, — il était alors colonel et chef d’état-major du gouverneur, — il avait parcouru 600 milles à cheval en dix jours pour arriver l’un des premiers sur le théâtre des hostilités. Il était encore homme à ne pas traiter les affaires en son cabinet, et vraiment il fallait une activité rare pour visiter tour à tour les vastes provinces de l’Afrique australe où le cabinet britannique entendait maintenir son autorité. A peine débarqué, sir H. Smith part pour la Cafrerie ; de là, il passe le fleuve Orange et arrive à Bloemfontein au milieu des émigrans qui presque tous se rappelaient l’avoir eu à leur tête en 1834. Prodigue de bonnes paroles, il leur promit tout ce qu’ils désiraient, à condition qu’ils se soumissent de bon cœur à l’autorité de la reine d’Angleterre. Les impôts payés par eux ne devaient servir qu’à indemniser les indigènes dépossédés ou à construire des églises et des écoles. Aux chefs des Griquas et des Basoutos, il sut persuader que l’installation des Européens sur une partie de leur territoire ne porterait pas atteinte à leurs droits héréditaires. Cela dit, il déclara que la région comprise entre l’Orange et le Vaal faisait désormais partie de l’empire britannique. Les fermiers devaient être soumis aux lois de la Grande-Bretagne. Au regard des populations indigènes, le gouvernement n’agirait que comme arbitre, en particulier dans les querelles relatives à des contestations de limites.

A peine sir H. Smith, continuant son voyage, était-il entré sur le territoire de Natal qu’un triste spectacle s’offrit à lui. C’était la