Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 25.djvu/186

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enfin tranquilles. Bien plus, ils avaient l’espoir de s’ouvrir un débouché vers l’est dans la direction de la baie de Lagoa où le Portugal possédait quelques comptoirs. Les Anglais ne s’occupèrent plus pour le moment de ces pionniers du Transvaal ; ceux de la rivière Orange leur causaient déjà trop de souci.

Il y avait entre l’Orange et le Vaal des tribus que l’Angleterre se croyait tenue de protéger ; entre autres les Griquas et les Basoutos, qui, avec l’insouciance des peuplades sauvages, avaient vendu leurs terres à vil prix aux premiers Européens arrivés dans cette région. Le marché conclu, ces indigènes ne tardèrent pas à s’en repentir ; ils se plaignirent d’avoir été dépouillés, d’être réduits à mourir de faim. Alors, tantôt ils essayaient de reprendre de vive force ce qu’ils avaient vendu ; tantôt, s’ils se sentaient trop faibles, ils émigraient en masse vers les provinces où ils espéraient trouver des protecteurs. Grâce à la fertilité de son sol, Natal les avait toujours attirés. Ils y trouvaient de plus la sécurité depuis qu’une garnison anglaise s’y était établie. L’occupation de la côte orientale par les Anglais eut ainsi cette double conséquence assez curieuse de faire partir les boers que le joug administratif effarouchait et d’attirer les natifs que la proximité des soldats européens garantissait contre les exactions de leurs voisins. Il y avait 3,000 Zoulous sur le territoire de Natal en 1844 ; il y en eut 80,000 trois ans après ; on en compte 400,000 aujourd’hui. Par une décision impériale de 1845, cette colonie reçut une existence indépendante avec un lieutenant-gouverneur pour chef et un conseil exécutif composé des principaux fonctionnaires de la résidence. Ceci ne répondait nullement aux intentions des fermiers, qui avaient quitté leurs anciens domaines surtout parce qu’ils n’y jouissaient pas d’assez de liberté.

L’ancien chef des insurgés Pretorius, qui était revenu dans cette province à la faveur d’une amnistie, reçut mission de ses compatriotes de se rendre au Cap pour soumettre au représentant de la reine les réclamations de la communauté. La répartition des terres par petits lots était, entre autres circonstances, une mesure vexatoire que ces fermiers nomades ne pouvaient supporter. La création d’un gouvernement auquel aucun membre électif ne prenait part blessait ces burghers, qui, lorsqu’ils s’étaient vus abandonnés à eux-mêmes, avaient établi tout de suite un volksraad ou chambre des représentans. Le gouverneur était alors sir Henry Pottinger, qui portait en outre le titre de haut commissaire pour le règlement des affaires indigènes dans l’Afrique australe. La grosse préoccupation du moment était, non pas d’administrer la colonie du Cap où nulle difficulté intérieure ne se produisait, mais d’établir sur un bon pied les rapports entre Européens et indigènes dans les territoires adjacens. Sir H. Pottinger, que la révolte des Cafres avait amené