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venait fortifier les méfiances conçues contre la médecine elle-même.

L’on ne se hâtait donc pas de mettre la main à la restauration de cet enseignement, si urgente qu’elle fût. En outre, on limitait le plus possible l’œuvre de restauration projetée. On la bornait à la réédification, si longtemps attendue, de la faculté de Paris. On s’était lentement décidé à l’agrandissement de cette faculté et à l’installation de laboratoires destinés aux travaux pratiques. Tout se bornait là. Élever de nouveaux centres d’enseignement médical, de nouvelles facultés largement assises, améliorer les écoles préparatoires et régler leur régime, relever, dans les facultés et les écoles, la situation du corps enseignant, celle des professeurs, des agrégés et des suppléans, il n’en était pas question. On avait même, contre toute demande d’amélioration relative aux membres de ces corps enseignans, des fins de non-recevoir qui témoignaient de préjugés singuliers. On se refusait à toute augmentation du traitement des professeurs et des agrégés, sous le prétexte que le plus grand nombre d’entre eux se livraient à la pratique de l’art, que leur titre leur donnait, à ce point de vue, un crédit incontestable, et que c’était là en quelque sorte une rémunération suffisante. Ainsi croyait-on motiver cette anomalie, de professeurs ou agrégés de la faculté de médecine de Paris recevant des appointemens notablement inférieurs à ceux des professeurs ou agrégés des autres facultés. Je cite ce fait, si peu important qu’il semble, pour montrer l’esprit qui dominait, et qui, obscurément, s’opposait au relèvement du corps enseignant des facultés de médecine. Est-il besoin d’ailleurs de réfuter de tels préjugés ? Qu’a-t-on à calculer ce que peut valoir la réputation acquise par un professeur de faculté de médecine ? Qu’importe ? S’il fait bien et régulièrement son enseignement, celui-ci doit-il ne pas être rétribué convenablement, sous prétexte que la pratique médicale donne la fortune ? Pour les professeurs de clinique, cette extension de la pratique civile ne vient-elle pas compléter les enseignemens de la pratique hospitalière, et les leçons du professeur n’en deviennent-elles pas plus utiles ? Supputer la valeur d’honoraires laborieusement acquis, n’est-ce pas obéir à ces sentimens de mauvaise égalité qui pervertissent tant d’esprits ? D’ailleurs il s’en faut que la plupart des professeurs et des agrégés des facultés de médecine trouvent dans la pratique une compensation à des traitemens insuffisans. Beaucoup restent sur le domaine de la science pure, et si l’on désire que le nombre de ceux-ci s’accroisse, il faut y aider et leur faire une situation qui permette de ne pas chercher, en dehors des travaux scientifiques, les ressources nécessaires pour une existence honorable.

Au-delà de nos frontières, un esprit différent régnait. Loin d’avoir à lutter contre de sourdes méfiances, l’enseignement des