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laquelle mon père soutenait la conversation quand l’empereur l’entamait. Avec mon père, il la mettait invariablement sur le faubourg Saint-Germain, dont mon père commandait en second une légion : « Qu’est-ce que diront de cela vos amis et les belles dames du faubourg ? Elles me détestent bien, n’est-ce pas, sans en rien laisser voir… Comment telle chose se passait-elle dans l’ancienne cour ? Tous ces vieux usages étaient fort sensés ; ils avaient tous leurs raisons d’être ; j’en ai déjà rétabli beaucoup, je n’en resterai pas là, etc. » Il y avait presque toujours un but facile à discerner dans les moindres paroles de l’empereur. Il passait d’un sujet à l’autre brusquement, sans transition. Il aimait qu’on le comprît vite, qu’on répondît tout droit à sa pensée. Mon père s’y appliquait, c’était sa seule flatterie. Il n’aurait tenu qu’à lui de croire qu’il avait du crédit, car plusieurs personnes, dont il n’aurait jamais pensé qu’il pût être le protecteur, le prièrent d’intercéder pour elles. Une fois ou deux, parlant des gens qui touchaient de près à mon père et qui avaient demandé des faveurs insignifiantes, l’empereur avait dit : « Cela fera plaisir à M. d’Haussonville, il faut le faire. » On avait rapporté ce propos à mon père, mais il était persuadé que cette apparence de crédit tenait surtout à ce que l’empereur savait bien qu’il n’en prétendait faire aucun usage.

Mon père croyait au bon cœur de l’empereur ; il en donnait pour preuve ses attentions pour Marie-Louise qui le redoutait un peu, mais qui semblait avoir pour lui une affection véritable. Il ne déplaisait pas. à l’empereur qu’on s’en aperçût ; peut-être même y avait-il quelque affectation dans la familiarité conjugale et bourgeoise avec laquelle il traitait la fille des empereurs d’Allemagne. Il allait de temps en temps à la Malmaison voir encore Joséphine, un peu en cachette de la nouvelle impératrice, et comme par hasard. Il mettait grand soin à ne pas rester seul avec elle. En sortant, il recommandait aux personnes de sa suite de pas dire qu’il était allé à la Malmaison : « Cela ferait de la peine à ma femme. »

Mon père a été témoin de quelques-unes de ces scènes de colère qui ont tant de fois épouvanté les Tuileries. Elles lui ont toutes paru parfaitement volontaires et combinées avec un art assez apparent, qui d’ailleurs n’en diminuait en rien l’effet. L’empereur ne procédait pas toujours par l’emportement et l’éclat. Il avait plusieurs manières d’accabler ceux contre lesquels il méditait une pareille exécution. M. de Fontanes, qui au temps du consulat lui avait adressé tant d’ingénieuses flatteries, devint un jour une de ses victimes. Voici comment et à quelle occasion.

L’Académie avait approuvé et autorisé la lecture eu séance publique du discours de réception à l’Académie française de M. de