simplifié la crise. Il n’y a rien de changé, le conclave se réunira évidemment à Rome comme il se réunissait autrefois. Il ne se tiendra pas au Quirinal, où habite désormais la royauté italienne ; il sera tenu au Vatican en toute indépendance, sans l’ombre d’une pression extérieure. Ce sera la première expérience sérieuse de la loi des garanties, d’un pape spirituel librement élu à côté du gouvernement laïque, national, de l’Italie et de Rome. Les Italiens sont les premiers intéressés, non-seulement à maintenir la liberté réelle du conclave, mais à ne pas laisser même un prétexte de doute aux yeux de tous les pays, et sur ce point tous les partis sont d’accord. Le cabinet qui est aujourd’hui aux affaires ne s’écarte nullement de la politique que suivraient tous les autres ministères possibles. Il s’est déjà, dit-on, mis en règle par les mesures de précaution qu’il a prises et par ses communications avec les gouvernemens. Que, malgré tout ce qu’on pourra faire, le premier passage d’un pape qui a été un souverain temporel à un pape qui n’est plus qu’un souverain spirituel soit encore l’occasion de quelques embarras, cela se peut assurément. Il s’agit de savoir quel sera le pontife élu, quelle politique il portera au Vatican, s’il persévérera dans la voie de protestation inaugurée par Pie IX, ou si même en protestant toujours, il ne sera pas plus disposé à nouer quelques rapports avec le gouvernement italien. Il y aura inévitablement les difficultés de circonstances qui ne pourront manquer de se produire autour de ce conclave dont on parle déjà comme s’il était près de se réunir, et il y a aussi ces questions plus générales qui se réveillent toujours à propos des crises religieuses, que viennent de traiter de nouveau deux esprits éminens de l’Italie, deux hommes qui ont été ministres et qui le redeviendront, M. Ruggiero Bonghi et M. Minghetti, dans deux livres récens. Pie IX, et le pape futur, — État et Église.
Ce qu’il y a de plus frappant dans ces livres de talens supérieurs, c’est un esprit invariablement libéral. Les conservateurs, les modérés les plus résolus, en Italie, sont plus libéraux que beaucoup de prétendus progressistes. M. Bonghi est un de ces modérés libéraux, écrivain plein d’érudition et de verve, qui retrace dans des pages animées les traditions des conclaves, les interventions diplomatiques des gouvernemens étrangers dans l’élection des papes, les conditions du catholicisme contemporain. M. Minghetti, l’ancien président du conseil, l’auteur d’État et Église, aborde ce redoutable problème de la séparation du pouvoir civil et du pouvoir religieux en continuateur éloquent et séduisant de la politique de Cavour. C’est là évidemment une question aussi délicate que complexe qui dépasse les discussions courantes de la presse et même des parlemens; on pourrait dire qu’elle les domine. Un jour viendra-t-il où cette formule retentissante, l’Église libre dans l’État libre, sera une vérité complète et définitive qui aura passé dans les mœurs comme dans les lois? C’est le secret de l’avenir, qui dira aussi les résultats