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foyer de révolutions et de guerres civiles. Tous les élémens de désordres, tous les germes du mal s’y trouvaient comme chez nous. Au milieu des commotions les plus redoutables, c’est le système constitutionnel, et, dans ce système, le rouage ministériel, qui a dominé les vents et les flots.


II

M. Guizot, dans la longue durée de son ministère, a été souvent attaqué avec une extrême violence ; jamais il n’a subi d’assaut pareil à cette discussion du baron de Stockmar. On sait avec quelle force, avec quelle hauteur d’éloquence il répondait à ses adversaires de la chambre des députés ou de la chambre des pairs ; et certes, armé comme il l’était de toutes les armes de la parole, il n’avait pas de peine à repousser les attaques de l’ennemi. L’opposition n’était pas moins en faute que le ministre ; on peut même dire que les fautes des assiégeans excusaient les fautes de l’assiégé. Les uns se conduisant en factieux, l’autre ne connaissait pas d’autre système que celui de la résistance aveugle. Des deux côtés, la vérité constitutionnelle était sacrifiée. M. Guizot eût été bien autrement embarrassé par l’argumentation du conseiller de la reine Victoria ; il n’eût pas répondu aux critiques de ce maître-docteur aussi facilement qu’aux outrages de la gauche. Stockmar n’outrage point M. Guizot ; il l’honore, il le place très haut, il rend les plus sincères hommages à son génie, à son savoir, à son désintéressement, à la grandeur morale de sa vie ; seulement, au nom de la monarchie constitutionnelle, et avec une science profonde des principes, il lui demande ce qu’il a fait de cette monarchie en France.


« M. Guizot, ses amis l’affirment, est un caractère irréprochable. Sa haute valeur intellectuelle, sa pénétration, son savoir, son activité d’esprit, le ferme enchaînement de ses vues et de ses maximes politiques, tout cela nous est attesté par ses écrits, comme son rare talent d’orateur est attesté par les discussions de la tribune française ; mais nous n’avons à nous occuper ici que de sa valeur et de sa justification comme ministre.

« J’ai connu dans ma vie plusieurs hommes d’état qui, sans connaissances théoriques préalables, avaient commencé leur carrière par la pratique, et que l’étude immédiate, l’étude vivante de la réalité, n’a conduits que plus tard à se faire par induction des principes généraux et des règles spéciales pour leur conduite politique. J’en ai connu d’autres qui, avec des dons précieux et les plus profondes connaissances, bien avant de parvenir aux fonctions supérieures de l’état, se sont trouvés en possession de théories et de systèmes scientifiquement établis,