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ne serait pour eux qu’un malheur partiel qui peut-être ne déciderait rien. Cette situation est aujourd’hui pour le moins aussi menacée en Europe, en Bulgarie, et le dernier événement de guerre qui vient de s’accomplir, la chute de Plevna, en délivrant les Russes d’un ennemi redoutable, de la meilleure armée qui leur ait été opposée jusqu’ici, les laisse à peu près maîtres au nord des Balkans, sauf la partie couverte par les places du quadrilatère. Tant que Plevna tenait encore, rien n’était perdu, les Turcs le croyaient et l’espéraient. L’homme énergique qui défendait cette place improvisée depuis la fin de juillet, Osman-Pacha, pouvait retrouver le succès de ses premières batailles, des premiers jours de la campagne. C’était possible tant que Plevna gardait quelques communications libres et qu’Osman-Pacha pouvait recevoir vivres et renforts; mais il était clair que depuis quelques semaines la situation changeait sensiblement et empirait pour les Turcs par suite du nouveau plan dont les Russes poursuivaient, avec une méthodique et tenace habileté, l’exécution. Les Russes ont passé plus de deux mois à préparer l’événement qui vient de couronner leurs brillantes combinaisons. Ils ont organisé l’investissement de Plevna dans les plus vastes proportions, étendant de toutes parts leurs mouvemens, s’emparant d’une série de positions qui dominaient toutes les communications et manœuvrant vers les passages des Balkans. Les Russes avaient assez de forces pour faire face de tous côtés aux attaques possibles des Turcs et même pour se permettre quelques hardiesses. Dès lors il devenait difficile pour les Turcs de délivrer ou de secourir Osman-Pacha. On l’a essayé, il est vrai, mais trop tard et avec peu de succès. Méhémet-Ali a été envoyé à Sofia pour organiser une armée nouvelle, et il a fait un certain effort assez énergique. Méhémet-Ali a eu dans les Balkans plusieurs violens combats avec les Russes; s’il a arrêté les Russes, il a dû être arrêté par eux, puisqu’il a rétrogradé sur Sofia, sans essayer d’aller plus loin sur la route d’Orkhanié. D’un autre côté, Suleyman-Pacha, le généralissime de l’armée de Choumla, a tenté tout récemment, lui aussi, une pointe énergique sur la ligne gardée par les forces du tsarévitch. Après une série de manœuvres ou de diversions qui semblaient coïncider avec les mouvemens de Méhémet-Ali, Suleyman-Pacha a porté son attaque sur l’aile droite du tsarévitch; il a réussi à enlever de vive force les positions d’Elena, à infliger un échec des plus sérieux aux Russes, à leur prendre des canons, et un instant même, à la faveur de ce premier succès, il a paru vouloir marcher sur Tirnova, ce qui eût fait de cette tentative une opération des plus graves. 1! n’en a rien été : le succès de Suleyman-Pacha a été sans résultat et sans lendemain; il n’a pas changé la situation en Bulgarie.

Que pouvait dès lors faire Osman-Pacha? Il a résisté visiblement jusqu’à la dernière limite dans les positions où il allait camper au mois de juillet et dont il avait su faire une place inexpugnable. La défense a