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l’opinion ! Et puisqu’on n’avait pas réussi, puisqu’on avait adressé un appel inutilement désespéré au suffrage universel, puisqu’on était vaincu par le scrutin qu’on avait ouvert de ses propres mains, qu’y avait-il de plus simple, à ce moment encore, que de se soumettre à une défaite aussi évidente et de rentrer franchement dans la pratique du régime constitutionnel? On le pouvait, c’était une dernière ressource, et une résolution spontanée, prévoyante, adoptée à propos, aurait eu l’avantage de montrer que, si on avait pu se méprendre, on s’était trompé en toute loyauté, sans prétendre se dérober à la puissance du verdict populaire qu’on avait provoqué. Accompli de bonne grâce et sans subterfuge, cet acte pouvait détendre aussitôt la situation; mais au contraire, c’est précisément alors, c’est sous le coup du scrutin du 14 octobre que la crise a pris son caractère le plus aigu, le plus énigmatique et le plus redoutable, parce qu’il a été clair qu’une pensée de résistance et de combat survivait à tout et restait entière même en face du vote récent du pays. C’était la lutte d’un dessein obscur, inconnu, contre une manifestation de la volonté nationale, contre l’autorité d’un parlement qui revenait à Versailles avec un mandat renouvelé, avec l’ardeur des passions qui venaient de se déployer dans les élections. C’était la persistance périlleuse et inquiétante d’une politique qui désormais se raidissait vainement contre l’inexorable nécessité, qui ne pouvait qu’aggraver la crise sans avoir les moyens de la dénouer, et en réalité cette politique n’a pas plus réussi au lendemain des élections qu’avant le scrutin. Elle n’a eu d’autre résultat que de prolonger une épreuve de plus en plus pénible, et on peut dire qu’elle a trouvé comme un dernier châtiment, comme une dernière expiation dans les troubles qu’elle a suscités, dans les impossibilités qu’elle a accumulées, dans la situation fausse où elle a placé M. le président de la république, demeuré l’image vivante de toutes les perplexités, au milieu des insaisissables conflits d’influences engagés autour de lui.

Qu’est-il arrivé en effet durant cette dernière période? On dirait que tous les efforts se sont réunis pour entretenir cette pensée de combat que les élections n’avaient pu abattre, pour empêcher la seule solution légitime et sensée, pour compromettre M. le président de la république dans une série de tentatives nécessairement impuissantes, si elles ne devenaient pas violentes. Depuis deux mois, M. le président de la république se débat au milieu de toutes ces luttes obscures, incohérentes, poursuivant toutes les combinaisons, passant par toutes les péripéties intimes auxquelles on le soumet, allant d’un ministère à un autre ministère, et en vérité, si dans tout cela il y a un homme à plaindre, nous serions tenté de le dire, c’est le chef d’état livré aux assauts incessans des passions redoutables, des influences dangereuses qui épient ses hésitations. Que M. le maréchal de Mac-Mahon ne soit point insensible à ce qu’il y a de pénible dans la situation qu’il s’est un peu faite lui-même